Chenonceau, ce château imaginé, conçu, planté et habité par les femmes
Combien de fois l’a-t-on imaginé ? Mais lorsque Chenonceau* apparaît, c’est à chaque fois le même enchantement. Voir surgir ce château au milieu des frondaisons, des prairies et des vignes est une vision ineffable. Ses deux magnifiques jardins, ceux de Diane de Poitiers et de Catherine de Médicis ne seraient-ils là que pour rehausser son incroyable élégance ? Oui, incroyable car enjambant les flots d’une rivière, le Cher de ses cinq arches jetées en soutien de sa célèbre galerie à double étage ! Ici, la beauté vient tout autant de l’harmonie des proportions que de la poésie des lieux.
*Chenonceau est inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco.
Ah ! Mon beau château !
Nul doute, ce château qu’aucun sang n’est venu entacher, est un château féminin. Il a été imaginé, conçu, planté et habité par des femmes : les Dames de Chenonceau. Toutes auraient pu s’écrier comme Marguerite Yourcenar : Ah ! Mon beau château *. Cinq siècles sont là pour retracer leur empreinte alors que se célébrait en 2019, le 500e anniversaire de la naissance de Catherine de Médicis appelée la Reine Noire (à cette occasion, Chenonceau a reconstitué son apothicairerie et déclina son jardin en noir et blanc). Leurs noms sont presque tous liés à l’histoire de France. Elles furent épouses, reines, favorites, grandes bourgeoises, mécènes. Voici l’histoire de Chenonceau donc leur histoire, celle de Catherine, Diane, Louise, Gabrielle, Marie, Apolline, Marguerite, Simone. Aujourd’hui, la Dame de Chenonceau n’est autre que Laure Menier Brasilier qui depuis 2002 gère seule la conservation et la gestion du domaine. Elle est à la tête du château privé le plus visité de France (900 000 visiteurs par an). Elle le mène comme une véritable entreprise (une cinquantaine de salariés) et sans la moindre subvention. Pour elle, Chenonceau se positionne haut de gamme. Un mot d’ordre, ici à Chenonceau l’accueil du visiteur doit être celui que l’on réserve à un hôte. Ainsi, en son honneur, chaque pièce du château est-elle fleurie tout au long de l’année !
*Marguerite Yourcenar évoquant Chenonceau dans Sous bénéfice d’un inventaire (1962).
Au bout d’une longue allée de platanes…
Beaucoup l’affirment, Chenonceau est le plus beau château du monde et le seul à avoir été bâti sur un pont. Une journée pour s’en convaincre ! Non, dès le premier coup d’œil, on est sous le charme. Il est vrai que cette journée de fin d’été, à la chaleur raisonnable est parée de la plus belle des lumières ; une pureté qui dessine chaque ligne de son architecture, chaque fleur de ses jardins, chaque arbre de son parc d’une infinie précision. Au bout d’une longue allée bordée de platanes, deux sphinx échappés du château de Chanteloup (Amboise), ouvrent l’entrée de Chenonceau. Il est 10 h, peu de visiteurs encore. La lumière est divine.
I/Chenonceau, une visite en toute liberté !
Le rendez-vous est à 13 h à l’Orangerie, le restaurant gastronomique du château (sous la direction du chef étoilé, Christophe Canati*). Donc, un peu plus de 2 heures pour parcourir « à sa guise », la vingtaine de pièces ouvertes à la visite. Partout, libre passage, liberté totale. On circule comme on veut (ou comme on peut), l’audio-guide à l’oreille. Beaucoup d’enfants (ah, ces châteaux de la Loire, passages obligés mais des souvenirs pour la vie !) et toutes les nationalités dans le vrombissement d’un volapük universel. De l’ancien château, il ne reste que la tour des Marques (le donjon) isolé avec son puits sur la grande terrasse de la Cour d’Honneur. Deux ponts donnent accès à la porte monumentale du château sculptée et peinte en l’honneur de François 1er et Claude de France. Mais la devise des Bohier (Catherine et Thomas) sculptée sur une autre porte (salle de garde) est beaucoup plus énigmatique : S’il vient à point, me souviendra ce qui signifie : Si je parviens à construire Chenonceau, on se souviendra de moi. Promesse tenue !
* Il fait la part belle aux produits locaux et de saison, ceux du potager du château (légumes, fleurs, agrumes et aromates).
On pénètre dans un havre de paix, fait pour le plaisir
En franchissant le seuil, j’ai en tête ce qu’a pu écrire l’abbé Chevalier*, ecclésiastique, érudit et archéologue, né en 1825, tout à côté à Saché (Indre-et-Loire) : Chenonceau (contrairement à tous les châteaux avoisinants) seul, n’a point de sang sur les pierres ; tout entier à cette riante nature qui l’entoure, jamais il n’a été mêlé aux tristes événements de la politique ; de ses voûtes, il ne s’est jamais échappé de gémissements, et tout en lui ne nous parle que d’art et de beauté, de fêtes et de plaisirs. Si Chenonceau fut tenu à l’écart, des guerres de religions et de ses massacres, les galeries de Catherine de Médicis transformées en hôpital militaire résonnent encore du râle des 2254 blessés qui y furent soignés entre 1914 et 1918.
*Abbé Casimir Chevalier : Archives Royales de Chenonceau. Pièces historiques relatives à la chastellenie de Chenonceau sous Louis XIII, François 1er et Henri IV (Paris,1863)
A la Révolution, Madame Dupin fait de la chapelle une réserve de bois
La chapelle au rez-de-chaussée (dont l’accès se fait par la Salle des Gardes) présente des vitraux du XXe siècle, les originaux ayant été détruits par un bombardement en 1944. Ils sont l’œuvre du maître-verrier Max Ingrand (1954). Au centre, une Vierge à l’enfant en marbre de Carrare par Mino da Fiesole. La tribune dont la date 1521 est gravée sur la porte, permettait aux reines d’assister à la messe en toute discrétion. A voir sur les murs de la chapelle, ces inscriptions en anglais laissées par les gardes écossais de la Reine Marie Stuart. La chapelle fut sauvée de la destruction durant la Révolution Française grâce à l’idée de Madame Dupin, d’en faire une réserve à bois. (Photos FC)
Les chambres des Dames de Chenonceau
Cinq reines pour une chambre !
La Chambre des cinq reines et son grand lit à baldaquin, au premier étage. Les cinq reines sont les deux filles et des trois belles-filles de Catherine de Médicis. Ses filles : La Reine Margot (épouse d’Henri IV), Elisabeth de France (épouse de Philippe II d’Espagne) et ses belles-filles : Marie Stuart (épouse de François II) Elisabeth d’Autriche (épouse de Charles IX) et Louise de Lorraine (épouse d’Henri III). Les murs sont tendus d’une suite de tapisseries des Flandres du XVIe siècle. (Photos FC)
Légèreté et élégance dans ce château sur l’eau
Chenonceau est finalement d’une approche évidente avec son corps de logis de deux étages, flanqué de tourelles d’angles construit sur les piles d’un ancien moulin. A cela vient se greffer sur la façade sud du logis, la longue galerie qui s’appuie sur les cinq arches enjambant le Cher ! Il suffit maintenant de se laisser aller de pièce en pièce, de chambre en chambre, de gravir les escaliers, de reprendre son souffle bien à l’ombre, sur les quelques balcons faits pour la contemplation. Les fenêtres sont grande ouverte sur la rivière. Les enfants s’interpellent. Partout des fleurs, d’incroyables bouquets renouvelés presque tous les jours. Un coup d’œil sur les barques qui hésitent à affronter le courant avant de se laisser glisser sous les arches. Il y a une certaine légèreté dans l’air, un air de vacances dans ce château sur l’eau. Et puis, la magie opère ! chaque salle*, chaque chambre, chaque salon, chaque meuble, chaque peinture raconte l’histoire de ces Dames de Chenonceau prises dans les soubresauts de leur siècle.
*A Chenonceau, ce qui fait de ce château un monument unique est la collection exceptionnelle de son mobilier, de tapisseries et peintures. Elle illustre les périodes du XVIe au XVIIIe siècle. Celle-ci fut en grande partie reconstituée par la famille Menier.
Un fleuriste, scénographe floral à demeure au château
On ne peut être que subjugué par le talent de Jean François Boucher (Meilleur Ouvrier de France) aux côtés d’Aurélie Fachin et Manon Eloi. Partout, dans chaque pièce du château on voit ses compositions florales. Dans son atelier (unique en Europe pour un château), chaque semaine, il réalise environ 200 compositions et bouquets pour fleurir les quelque vingt pièces du château (des bouquets en harmonie avec chaque pièce). D’une semaine sur l’autre, l’intégralité des bouquets est changée. À part à Noël, de la Saint-Nicolas à l’Épiphanie, les visiteurs voient la même décoration florale. Seules les fleurs sont renouvelées, en revanche, les structures restent les mêmes. Pour alimenter cet atelier, Laure Menier Brasilier a mis à sa disposition un « potager des fleurs » d’un hectare qu’il partage avec le chef cuisinier du restaurant gastronomique (l’Orangerie). Souvent d’ailleurs, des légumes entrent dans les compositions florales.
Du Cabinet Vert de Catherine de Médicis à la Librairie, ancienne petite bibliothèque de la reine
Au rez-de-chaussée, passons d’abord par le Cabinet Vert, le cabinet de travail de Catherine de Médicis d’où, devenue Régente du royaume (à la mort d’Henri II), elle gouverna la France. On accède ensuite à la librairie, ancienne petite bibliothèque de la reine. Elle y avait disposé son bureau, sans doute à cause de la vue qu’elle pouvait avoir sur le Cher, l’île et le jardin de Diane. Jean François Boucher, le scénographe floral de Chenonceau* y a placé une de ses compositions. Toutes celles qui ornent le château proviennent du Potager des fleurs et sa collection de plus de 400 rosiers, ainsi que les nombreuses variétés de légumes, de plantes et de fleurs étonnantes. Le maitre des lieux est le botaniste Nicholas Tomlan, concepteur de jardins et directeur botanique du château. Il a été formé à Longwood Gardens (USA) Photos FC
*L’atelier floral est situé dans la cour de la ferme du XVIe siècle.
II/Cinq siècles d’Histoire façonnés par les femmes
Catherine Briçonnet, celle qui bâtit Chenonceau
La première châtelaine de Chenonceau s’appelle Catherine Briçonnet. Elle est issue d’une riche famille de Tours. Son époux, Thomas Bohier, est receveur des finances royales. Ils achètent les terres de Chenonceau le 8 février 1513. Rapidement, le château féodal des Marques (du nom des anciens propriétaires) est rasé. On ne conserve que le donjon et les fossés pour entreprendre, un peu plus loin, en utilisant les robustes piliers d’un moulin fortifié, la construction du nouveau château (le logis de Thomas Bohier). Mais, trop occupé par sa charge et par les campagnes d’Italie qui se succèdent, Thomas laisse Catherine mener à bien et embellir ce qui sera l’un des tout premiers châteaux conçus pour la paix, le délassement et les fêtes. Catherine Briçonnet fera de ces lieux, bien avant Chambord et Azay-le-Rideau, l’un des plus beaux manoirs de la Renaissance : un château modeste de deux étages, avec tourelles en encorbellement, mais gracieux et aéré. D’autres projets sont en cours. Thomas a obtenu en 1517 du Roi les lettres patentes autorisant la construction d’un pont sur le Cher. Mais Catherine qui meurt en 1526 ne peut le réaliser. Après sept ans de travaux, alors que le château est enfin prêt, en 1535, un retentissant procès pour détournement de fonds oblige la famille, par l’entremise d’Anne de Montmorency, à céder le château à la couronne de France (François Ier).
Pour éviter la ruine de la famille, il dut offrir au roi, son plus beau joyau, Chenonceau
En 1535, héritant de Chenonceau, Antoine Bohier (le fils aîné de Thomas Bohier et Catherine Briçonnet) se trouva pris dans la commission instituée en 1527 par François Ier, chargée de poursuivre ceux qui avait manipulé les deniers publics (dont son propre père). Antoine en tant qu’héritier fut déclaré débiteur envers le trésor. Pour éviter la ruine de la famille, il dut offrir au roi, son plus beau joyau, Chenonceau en 1535. Ce salon (au rez-de-chaussée) est là pour nous le rappeler. Il contient la plus belle cheminée Renaissance du château (refaite au XIXe siècle). Sur le manteau, la devise de Thomas Bohier : « S’il vient à point, me souviendra ». A l’extrême gauche de la seconde image, un cabinet italien du XVIe siècle, incrusté de nacre et d’ivoire gravée à la plume, offert à François II et Marie Stuart pour leur mariage. À droite, Les Trois Grâces par Van Loo représentent les demoiselles de Nesle : Mesdames de Châteauroux, de Vintimille, de Mailly, trois sœurs, favorites successives du Roi Louis XV. Enfin, ce salon fut au XVIIIe siècle, la chambre de Madame Dupin où elle rendit son dernier soupir le 20 novembre 1799 (Photos FC).
Diane de Poitiers, celle qui se fit offrir Chenonceau
la finesse de sa taille, la blancheur de sa peau, le roux de ses cheveux, sont incomparables
François 1er, ne s’est jamais réellement intéressé à Chenonceau. Il lui arrivait de venir chasser sur les terres du château, souvent accompagné de Catherine de Médicis, sa belle-fille. Mais pour elle, c’est un coup de foudre : une telle merveille posée sur l’eau ! II lui faut ce château, elle s’en fait la promesse. Elle sera la dame de Chenonceau. Catherine ne fut pas la première à tomber follement amoureuse de Chenonceau. Mais elle a une rivale. Lorsque, en 1542, Henri II succède à son père, il a 28 ans et sa maîtresse n’est autre que Diane de poitiers, de vingt ans son aînée. C’est la veuve d’un grand sénéchal de France. Regardez-la, peinte par François Clouet, portant le deuil de son mari, Louis de Brézé ; nous sommes en 1550, Diane de Poitiers* règne de toute sa beauté sur le cœur du roi. Admiratifs, ses contemporains écrivent que sa beauté, la finesse de sa taille, la blancheur de sa peau, le roux de ses cheveux, sont incomparables. Le roi lui offre Chenonceau en gage d’amour. Dès qu’elle en a la possession, Diane de Poitiers fait de Chenonceau « sa chose ». C’est avant tout une femme de tête, qui sait gérer ses biens. Elle sait notamment que c’est un bien inaliénable puisqu’appartenant à la couronne. La vente sera donc annulée sous prétexte d’un prix frauduleusement surévalué. Le malheureux Antoine Bohier (fils aîné de Thomas Bohier et Catherine Briçonnet) qui avait hérité de la châtellerie, se voit assigner en Justice en 1550. II ne reste plus à Diane, lors de l’adjudication, qu’à racheter Chenonceau qu’elle occupe déjà et dont elle perçoit les revenus. Tout est réglé le 8 juin 1555 contre 50 000 livres, somme qu’elle ne payera jamais.
*Ne dit-on pas qu’elle avalait des breuvages à base d’or pour prolonger sa jeunesse et sa beauté, ce qui entraîna son décès à 66 ans.
Portrait de la reine en noire dans la chambre de Diane
Chambre de Diane de Poitiers (au rez-de-chaussée), la favorite du roi, Henri II. La cheminée est l’œuvre de Jean Goujon, sculpteur français de l’École de Fontainebleau. Elle porte (ainsi que le plafond à caissons) les initiales d’Henri II et Catherine de Médicis : H et C qui, entrelacées, pouvaient former le D de Diane de Poitiers. Sa restauration est due à Madame Pelouze au XIXe siècle. Le portrait (une huile sur bois) qui y figure est celui de Catherine de Médicis par le peintre blésois Henri Sauvage (1853-1912). La représentation de la reine reprend l’iconographie traditionnelle : visage sévère, coiffe de veuve et costume noir qu’elle portait depuis la mort de Henri II, la raison pour laquelle elle fut appelée la « reine noire ». Pourtant elle fut moins noire que ses éternels voiles de deuil et moins noire que la réputation qui lui a été faite au XIXe siècle par certains romantiques.
Le jardin à l’italienne de diane
Ses deux chefs jardiniers, Charlot Guérin puis Jacques Dutertre, font des merveilles. Des milliers d’arbres sont plantés : pêchers, abricotiers, pommiers, groseilliers, rosiers musqués par centaines et oignons de lys. On fait arracher dans les bois 9 000 plants de fraisiers sauvages et de violettes. Pour les parterres, on sélectionne les fleurs les plus éblouissantes, mais aussi de délicieux végétaux : artichauts, concombres, melons, poireaux, choux, pois, oignons, échalotes, etc. Ce jardin est sa fierté. II est agencé à l’italienne avec des berceaux en charpente couverts de treilles, des tonnelles, des massifs de rosiers et de lys, des haies d’aubépines et de noisetiers. On taille les haies selon des figures imposées, le tout constituant un extraordinaire labyrinthe agrémenté de fontaines et de bassins.
Le Jardin de Diane de Poitiers
La structure de ce parterre (12 000 m²) est sa création par Diane de Poitiers, en revanche son dessin actuel est d’Achille Duchêne (1866-1947). Ce jardin est commandé par la Chancellerie qui était la maison de l’intendant de Catherine de Médicis. Deux allées perpendiculaires et deux autres en diagonale délimitent ainsi, huit grands triangles de pelouse décorés de délicates volutes de santolines. Il a retrouvé en son centre le jet d’eau d’origine, comme au temps de Diane de Poitiers.
Un gros caillou taillé qui fait jaillir l’eau en gerbe
Les vignes de Diane étaient dit-on aussi bien tenus que son fameux Jardin. On y pénètre en passant devant la maison du Régisseur (la Chancellerie). Au centre du jardin, un jet d’eau décrit par Jacques Androuet du Cerceau (célèbre architecte et graveur du XVIe siècle) dans son livre “Les plus excellens bastiments de France” (1576). La conception en est surprenante pour l’époque. Le jet d’eau jaillit d’un gros caillou taillé en conséquence et retombe « en gerbe » vers un réceptacle pentagonal. Face à la chancellerie, sous l’ombrage d’une vigne, l’embarcadère pour des promenades sur le Cher (Photos FC)
Diane de Poitiers, le bonheur d’être à Chenonceau
Acte de propriété acquis (croit-elle !), il lui faut mettre son château à l’abri des crues en surélevant les abords. Les livres de comptes sont précis. Pour cela, il fallut charrier 7 000 tombereaux de pierres et déposer 1100 tombereaux de terre à gazon. En tout, 14 000 journées de travail ont été nécessaires pour constituer la terrasse sur laquelle, d’avril 1551 à mai 1553, elle fait aménager son somptueux jardin, un parterre de 2 hectares agencé « à l’italienne”. Toute la région est mise à contribution pour bêcher, planter, élever charpentes et arceaux sur lesquels vont courir 13 000 plants d’aubépines et de coudriers ; en bordure des grandes allées, des chênes et des ormeaux. Au printemps 1552, elle peut enfin recevoir en grande pompe le roi et sa suite. Le programme des festivités ne nous est pas parvenu, contrairement aux comptes qui furent à la hauteur de l’événement ! Le roi l’avait faite duchesse de Valentinois, et elle était devenue l’une des femmes les plus influentes du royaume.
Le rêve se brise le 10 juillet 1559
L’avenir semblait sans nuages pour cette femme à qui rien ne résistait. Aussi entreprend-elle de développer son château par la construction d’un pont enjambant le Cher et reliant l’autre rive : « Un sylvestre et plantureux bocage, arrosé de fontaines et verdoyant comme un pré d’avril. » Elle confie ces travaux au grand architecte Philibert Delorme, en charge des bâtiments royaux. Tous les deux projettent d’élever sur ce pont une galerie, future grande salle de réception du château. Les travaux commencent en 1556. Cinq arches sont posées, Quand la nouvelle tombe : Henri II s’est tué accidentellement lors d’une joute (la lance de Montgomery s’étant fichée dans l’œil et le cerveau du roi), le 10 juillet 1559. Une catastrophe pour Diane !
Catherine de Médicis : Chenonceau dans toute sa flamboyance et ses excès
Arrêt brutal des travaux. Catherine de Médicis, l’épouse légitime d’Henri II, la reine délaissée (le roi lui fit tout de même dix enfants en treize ans), allait prendre sa revanche. Diane est bannie de la cour et rend bijoux et châteaux. En femme d’affaires, la mort dans l’âme, elle va marchander Chenonceau contre le château de Chaumont près de Blois qui, sans avoir le charme du premier, rapporte des revenus supérieurs. Commence alors le règne sans partage de Catherine de Médicis.
Après les massacres, la fête !
Le 31 mars 1560, le roi François II, accompagné de son épouse Marie Stuart, de sa mère, de ses trois frères et de toute la cour, quitte Amboise. Ils laissent derrière eux une ville empuantie par l’odeur des cadavres, ceux des milliers de conjurés massacrés sur l’ordre du roi. Ils se rendent à Chenonceau sur l’invitation de la reine Catherine de Médicis. Ils arrivent à la nuit tombée devant un château illuminé par des feux d’artifice, au bruit des salves d’honneur de trente canons rangés en bataille. Neuf cents personnes forment une haie d’honneur. Le chemin est jonché de feuillages, de bouquets de violettes et de giroflées. Partout, des cris d’enthousiasme. On acclame le roi. On a construit des arcs de triomphe, des fontaines et une sorte de phare qui éclaire la scène comme en plein jour.
Dans un fracas d’artillerie
Lorsque tout ce beau monde se retrouve devant le château, le pont-levis s’abaisse dans un fracas d’artillerie et dans la pétarade de centaines de fusées. Du haut du balcon, des jeunes filles, déguisées en déesses, font pleuvoir sur le roi couronnes, guirlandes et bouquets de fleurs. La fête continue le lendemain par une joute sur le Cher qui rassembla plus de cinquante barques. II fallait faire oublier au roi les sinistres souvenirs d’Amboise. Catherine de Médicis, « Ia dame de Chenonceau », y réussit à merveille. Pourtant, quelques mois plus tard, le sort s’acharna sur elle et sur la famille royale. Le 5 décembre 1560, François II, âgé de 18 ans, meurt à Orléans sans doute d’une méningite. Son frère Charles X, à seulement 10 ans, devint alors roi. La première guerre de religion allait commencer.
Catherine de Médicis, la reine de toutes les fêtes
Catherine de Médicis dessinée par François Clouet
Ce grand portraitiste né à Tours vers 1520 et mort à Paris en 1572 reçut la protection de Catherine de Médicis, épouse du roi Henri II. Il fut le portraitiste officiel des rois de France : François Ier d’abord, puis Henri II, François II et enfin Charles IX. Grand amateur de portraits, la reine Catherine de Médicis posséda de nombreux tableaux, mais également plus de cinq cents “crayons”, portraits dessinés du XVIe siècle à partir d’un mélange de sanguine et de pierre noire. Après la mort de Jean Clouet (le père de François), elle acquit tous les dessins de l’artiste, et fut le principal commanditaire de François Clouet.
Elle fit venir d’Italie ce qu’il y avait de plus beau
Catherine de Médicis, devenue régente du royaume, va donner à Chenonceau cette touche si florentine, faisant venir d’Italie ce qu’il y a de plus beau. Elle dessine le parc, fait construire les communs, se charge entre 1580 et 1585 de l’aménagement de la galerie à double étage sur le pont de Diane surmontée d’un comble à lucarnes. Elle fait réaliser la Cour d’honneur et transformer les fenêtres de la façade d’entrée qui sont doublées et ornées de cariatides. Elle élargit la terrasse à l’est entre la chapelle et la librairie… Chenonceau est son lieu de séjour favori. II va bientôt résonner de fêtes sans fin en l’honneur de ses fils, tour à tour rois de France. Les chroniques content les feux d’artifice, les combats navals sur le Cher pour célébrer Charles IX avec quatre jours de fêtes en décembre 1565. Lorsque Charles IX disparaît à son tour, il est remplacé par son frère Henri III, devenu entre-temps roi de Pologne (élu par l’aristocratie polonaise). Catherine de Médicis réserve à ce dernier un triomphe (c’est son fils préféré, il est vrai que contrairement à ses frères, il est de constitution robuste et promis à une belle longévité). Le 15 mai 1577, elle organise un grand banquet, en son honneur et en celui de son dernier fils, le duc d’Anjou (François de France, né en 1555 devenu duc d’Anjou en 1574), dans le nouveau jardin de Chenonceau, près de la fontaine du Rocher datant de Diane. Sont présentes, outre les dames d’honneur de Catherine (le célèbre « escadron volant » qui assure le service à demi nues), les reines de Navarre et de France, Marguerite de Valois et Louise de Lorraine. Henri III (il a 25 ans) comme à son habitude s’est travesti en femme. On le décrit : pourpoint ouvert et gorge découverte, avec un collier de perles et trois collets de toiles, entouré de ses mignons fardés, frisés et pommadés. Fêtes et magnificences s’éteindront à la mort de Catherine. Mais cette grande figure de la Renaissance, honnie et adulée, femme et mère de trois rois, aura marqué son siècle de ses éclats et de son sens aigu de l’État.
Portrait à charge de Catherine de Médicis
Voici ce qu’écrit un historien de la fin du XVIIIe siècle, le docteur Bruneau sur la reine et son séjour à Chenonceau : Catherine de Médicis l’orna des meubles les plus somptueux, des tableaux des meilleurs maîtres. Elle en agrandit les jardins qu’elle embellit avec magnificence ; les nombreuses statues qui les décoraient ainsi que la galerie ont été emportées pour enrichir Chantilly ; elle y fit placer la superbe bibliothèque du maréchal Strozzi qu’elle acheta 20.000 écus, somme considérable pour ce temps. La maison qu’elle ne paya jamais selon Brantôme ; on ne lit point sans être révolté dans les anecdotes de ce temps-là les fêtes scandaleuses qu’elle y donna et je dois principalement me taire sur les scènes monstrueuses qui s’y passèrent aux noces de Charles IX. (!!!)
Louise de Lorraine, dettes et tristesse
Henri III et Louise de Lorraine-Vaudémont, à l’époque où ils étaient jeunes et beaux
Louise de Lorraine éprouva un réel amour pour son mari (un amour réciproque) et dieu sait s’il y eut des rumeurs de dissolution du mariage. Henri III, malgré ses nombreuses infidélités, n’eut jamais de maîtresse en titre. En fait, le drame de Louise fut qu’elle ne put avoir d’enfant malgré les nombreuses fausses couches, les pèlerinages, en particulier à Chartres, et les cures thermales dans l’espoir d’avoir un héritier. (détail d’une des tapisseries des Valois du XVIe siècle à Florence, Galerie des Offices).
Ma mye…ne bougez de là
En janvier 1589, Catherine de Médicis, au moment de sa mort, avait léguer Chenonceau à sa belle-fille, la reine Louise de Lorraine, femme d’Henri III. Mais un drame la même année allait bouleverser sa vie. Le roi lui écrit le 1er août 1589 de son lit à Saint-Cloud : Ma mye, j’espère que je me porteroy bien, priez Dieu pour moi et ne bougez de là. Il lui écrit juste avant de mourir, encore incertain de sa blessure alors qu’il vient d’être gravement poignardé par le dominicain Jacques Clément. La reine a 36 ans. Elle ne quittera plus jamais Chenonceau. C’est alors un château hypothéqué, à l’affut des créanciers* et convoité par la maitresse du roi, Gabrielle d’Estrées. Sans suffisamment de ressources pour vivre, réduite aux seuls revenus de la châtellenie, il lui faut de l’aide afin de sortir de la misère où elle était. Le roi (Henri IV) se sent dans l’obligation de lui octroyer sur sa cassette une bien modeste pension de 12 000 écus.
*Catherine de Médicis, sa belle-mère lui avait laissé à sa mort 800 000 écus de dettes. Un arrêt du parlement daté du 5 décembre 1597 l’obligeait à la rembourser sinon à déguerpir de Chenonceau.
Elle mit 11 ans pour le rejoindre dans la mort, elle avait 47 ans
Chambre de Louise de Lorraine (second étage). Comment ne pas être impressionné comme ces enfants par l’immense chape de tristesse que dégage cette chambre ? Louise était devenue la Reine Blanche car vêtue de blanc comme le voulait l’étiquette du deuil royal. Mais pour contrebalancer la blancheur qu’elle portait, elle s’est entourée de noir et de mélancolie. Ainsi grâce au plafond d’origine, a-t-on pu reconstituer sa véritable chambre où tous les attributs de deuil y figuraient : plumes (ou pennes symbolisant les peines), larmes d’argent, pelles de fossoyeurs, cordelières des veuves, couronnes d’épines et de la lettre grecque lambda (L) initiale de Louise, entrelacée à la lettre êta (H) de Henri III, dont le portrait par François Clouet orne la tourelle d’angle. Le lit et le mobilier sont du XVIe siècle (voir ce Christ gothique à la couronne d’épines). Peut-on imaginer les 11 ans qu’elle passa à Chenonceau dans cette chambre, à l’ombre du souvenir de celui qu’elle aima. Son temps se partageait entre prière, lecture et broderie. De son lit, elle pouvait assister à la messe grâce à un oeil-de-boeuf et une ouverture percée dans le mur de la sacristie. Elle avait 47 ans
Sa chambre jouxtait la chapelle
A Chenonceau, elle s’était choisie la chambre neuve construite sur l’ancienne terrasse, car jouxtant la chapelle. Épouse aimante et attentionnée, même si le roi lui préféra la compagnie des hommes, cette reine surnommée la reine « blanche », couleur de deuil des reines, vécut à Chenonceau en recluse. Douze ans durant, elle ne quitta son château que pour se rendre chaque samedi à l’église de Francueil (de l’autre côté du Cher) où une messe était célébrée pour le repos de son époux. Une chape de tristesse et de mélancolie allait alors tomber sur Chenonceau.
Elle meurt potentiellement riche
Alors qu’elle se rendait pour recevoir enfin le douaire du Bourbonnais et les revenus qui lui étaient liés (détenus par Elisabeth d’Autriche, veuve de Charles IX), elle mourut potentiellement riche, sur le chemin, le 29 janvier 1601. Elle laissait Chenonceau et les fermes délaissés depuis 10 ans, dans un triste état de délabrement. De sa chambre, l’inventaire dressé après sa mort mentionne des murs « peints en noir semé de larmes, d’os de mort et de tombeaux ». Une seule décoration, le portrait en pied d’Henri III sur la cheminée du cabinet, le seul amour de sa vie !
Duchesse de Mercoeur, ce mariage qui la révolte
A la mort de Louise, Henri IV prend possession de Chenonceau (dès le 20 février 1601). Il le fait au nom de son fils légitimé César, duc de Vendôme, alors âgé de 5 ans, (sa mère étant Gabrielle d’Estrées). Mais par un tour de passe-passe, les dettes du château (celles qu’avait laissée Catherine de Médicis et que ne put payer Louise de Lorraine) furent reprises par la duchesse de Mercoeur se portant alors acquéreur de la terre pour 96 300 livres. Le château avait été vidé de tous ses meubles par les créanciers de Catherine. La duchesse dont la fortune était immense entreprit la restauration de Chenonceau. Elle devait tenir une autre promesse faite au roi : que sa fille, Françoise de Lorraine épouse son bâtard, César, duc de Vendôme ce qui fut fait en 1609, non à Chenonceau mais à Fontainebleau. Elle avait 17 ans, il en avait 15. Quelques mois après, Henri IV était assassiné.
Le 15 octobre 1598, on se réconcilie. Louise de Lorraine, signe la donation de Chenonceau
La période est à l’apaisement. L’édit de pacification vient d’être signé à Nantes le 13 avril dernier. Le 15 octobre 1598, ils sont tous là, à Chenonceau autour de Louise de Lorraine (la Reine Blanche) : le roi Henri IV, sa maitresse Gabrielle d’Astrées, le duc et la duchesse de Mercoeur. Rappelons que Le duc de Mercoeur, Philippe -Emmanuel de Lorraine est le propre frère de la reine. Il est aussi gouverneur de Bretagne et dernier grand ligueur insoumis. Avec sa femme, Marie de Luxembourg duchesse de Mercœur, ils avaient ambitionné de rétablir la souveraineté du duché de Bretagne, et de monter sur le trône. Mais aujourd’hui, tout est pardonné (la réconciliation se fit à Angers) et le pays est enfin pacifié. Un acte symbolique, sans doute ! La reine douairière donnait ce jour-là son château de Chenonceau (elle en conserva l’usufruit), aux jeunes fiancés, très jeunes d’ailleurs, César n’avait que 4 ans et Françoise à peine plus (6 ans).
Elle refuse une union même avec un bâtard de sang royal
Le fiancé n’est autre que le propre fils du roi, fils légitimé (en 1595) qu’il eut avec Gabrielle d’Estrées, César, duc de Vendôme. Quant à la fiancée, c’est la petite Françoise, fille unique du duc de Mercoeur et héritière par sa mère, Marie de Luxembourg de l’immense fortune de la maison de Penthièvre. Fiancés oui mais pas mariés (ils sont d’abord trop jeunes) ! Le duc de Mercœur meurt 4 ans plus tard à Nuremberg où il était parti combattre les Turcs. Le mariage de sa fille n’eut lieu que le 7 juillet 1609 à Fontainebleau. Il fallut d’abord convaincre la duchesse de Mercœur qui s’y opposait. Pour elle, impossible de confondre « son noble sang avec celui d’un bâtard, fût-il de sang royal ». Alors, il fallut passer à la caisse (la caisse royale évidemment)*. Henri IV pour la soumission de la duchesse versa 4 295 350 livres (somme évaluée par Sully). Auparavant, il avait pris possession de Chenonceau le 20 février 1601 au nom de son fils. L’année qui suivit le mariage, le roi était assassiné ce qui bouleversa le paysage politique de l’époque. Madame de Mercoeur se retira à Chenonceau en 1611 mêlant comme elle sut le faire toute sa vie, piété et intrigues. C’est elle qui fit venir à Chenonceau une petite communauté de 12 capucines.
*Appelé avec dédain “le bâtard du Béarnais”
La chambre de Gabrielle d’Estrées et celle de son fils, César duc de Vendôme
Un couvent de 12 capucines à Chenonceau
Qui eut imaginé Chenonceau transformé en couvent, après Diane et Catherine ? Et pourtant, c’est bien une petite communauté de 12 capucines (branche de l’ordre des franciscains récemment institué) qui s’y installa d’une manière provisoire avant d’être admise à Tour en 1634. Cette installation se fit grâce à la piété de la duchesse de Mercoeur. La communauté occupa dans les combles, les chambres destinées aux pages et filles d’honneur de Catherine de Médicis. A cela s’ajouta un réfectoire, une salle capitulaire et un petit oratoire au-dessus de la voûte de la chapelle ; la clôture étant assurée par un pont à bascule. Commença alors, pour Chenonceau, une longue éclipse qui devait durer plus d’un siècle.
Louis XIV à Chenonceau
Chenonceau reçoit Louis XIV, le 14 juillet 1650
Pour les Vendôme, César et son épouse Françoise qui avait hérité de l’immense fortune de sa mère, la duchesse de Mercoeur, Chenonceau était un domaine parmi d’autres. On leur doit cependant le pont en pierre donnant accès à la terrasse des Marques et la restauration dans leur état d’origine des jardins de Diane et de Catherine. César grand comploteur devant l’Eternel partagea son temps entre prison et exil. Il dut pour rentrer en grâce à la mort de Louis XIII en 1643, se réconcilier avec le nouveau pouvoir. Et rien de mieux qu’un mariage pour cela, celui de son fils aîné Louis de Mercoeur avec la nièce du cardinal Mazarin, l’homme de confiance de la reine, Laure-Victoire Mancini. Chenonceau vit donc se sceller cette alliance autour du roi, le très jeune Louis XIV (il avait 11 ans), en chemin pour la Guyenne. On était le 14 juillet 1650. Le royaume se voyait confronter depuis 1448 à la Fronde. La famille royale avait dû fuir, sous les affronts et la violence. Et pourtant à Chenonceau, quelle somptueuse fête ! La reine mère (Anne d’Autriche, la régente) et le cardinal de Mazarin étaient également présents. Ce fut la dernière présence royale à Chenonceau.
Post-scriptum : le jeune couple se maria à Paris quelque mois plus tard et reçut en cadeau de noces, Chenonceau.
Louise Dupin, la Dame des Lumières
Le brillant salon de Madame Dupin
Si Gabrielle d’Estrées, favorite d’Henri IV, avait réveillé de sa beauté et de sa pétulance le château endormi, il faudra attendre le brillant salon que tint Madame Dupin pour que revive Chenonceau. En 1726, Claude Dupin qui avait fait ses études au collège de Blois devient l’un des quarante fermiers généraux chargés de percevoir les impôts du royaume. Il épouse en secondes noces, Louise-Marie-Madeleine Fontaine, l’aînée des 3 filles naturelles de son mentor, Samuel Bernard (richissime banquier de la Cour) qu’il eut avec l’actrice de la Comédie française, Manon Dancourt. Claude Dupin est devenu en quelques années, non seulement un financier reconnu mais également un brillant économiste (Voir les 3 volumes de ses Oeconomiques parus en 1745*) au point d’être sollicité par Diderot et d’Alembert. Il s’engage même dans une critique constructive de L’esprit des lois de Montesquieu en publiant : Réflexions sur l’esprit des lois en 1749 où il réfute les arguments développés par Montesquieu. Comme tout grand bourgeois, il achète une charge de Secrétaire du roi (avec anoblissement à la clé). Le couple occupe alors le somptueux hôtel Lambert dans l’île Saint-Louis à Paris. Mais il faudra plus tard le revendre pour honorer les dettes de jeu et les spéculations hasardeuses de leur fils unique, Jacques-Armand Dupin. Celui qui se fit appeler Dupin de Chenonceaux était un mauvais sujet ce que souligne très amèrement Jean-Jacques Rousseau, son précepteur dans Les Confessions.
*Le livre Oeconomiques de Claude Dupin paru en 1745 a été réédité dans son édition 1913, par Hachette Livre BNF en 2016 dans la Collection des économistes et des réformateurs sociaux de la France (21,10 €)
Louise Dupin, l’une des plus belles femmes de Paris
Louise était dit-on l’une des plus belles femmes de Paris. Dans son salon, elle reçoit les grands esprits de l’époque : Fontenelle, l’abbé de Saint-Pierre, Bernis, Buffon, Voltaire, Marivaux… L’achat de Chenonceau se fait en 1733 auprès du duc de Bourbon. Pour sa restauration, Claude Dupin voit large. Il dépense 70 000 livres pour restaurer et mettre au goût du jour Chenonceau et son parc faisant disparaître notamment le macabre décor de la reine Louise et les installations des religieuses. Louise Dupin, Dame des Lumières recevra alors à Chenonceau les plus grands érudits, philosophes et académiciens français qui fréquentaient déjà son salon parisien.
Jean-Jacques Rousseau à Chenonceau
Jean-Jacques Rousseau qui avait été introduit auprès de Madame Dupin à Paris, s’était trouvé attaché au service de la famille en tant que secrétaire et collaborateur littéraire car cette femme d’exception avait décidé d’écrire un Code des Droits de la Femme (qui ne fut jamais publié) ; Eh oui, une féministe au siècle des Lumière ! De son séjour à Chenonceau à l’automne 1747, Jean-Jacques Rousseau nous laisse ce commentaire enchanteur : on s’amusa beaucoup, dans ce beau lieu, on y faisoit très bonne chère, j’y devins gras comme un moine. On y faisait beaucoup de musique. J’y composai plusieurs trios à chanter. on y jouait la comédie. j’y composai une pièce en vers intitulée l’Allée de Sylvie du nom d’une allée du parc qui bordait le Cher. Entre promenade, poésie, et musique, il reçoit de son hôtesse, la commande d’une comédie de salon qu’il composa en quinze jours : L’Engagement téméraire. Un petit théâtre fut d’ailleurs aménagé au bout de la grande galerie du premier étage.
Heureux comme Rousseau à Chenonceau
Son cabinet de chimie et de physique est dans le bâtiment des Dômes
Lorsque Jean-Jacques Rousseau se rend à Chenonceau en 1747 pour y passer l’automne, il a 35 ans. Il n’est pas seulement secrétaire de Madame Dupin mais aussi pédagogue, scientifique et musicien. Il va profiter du cabinet de physique et chimie installé dans le bâtiment des Dômes pour y étudier la chimie avec Louis Dupin de Francueil (1715-1786), le beau-fils de Madame Dupin (nom venant de Francueil, village sur lequel s’étendait le domaine du château). Lors de l’exposition de 2012, on découvrit avec étonnement les instruments scientifiques du fameux cabinet aujourd’hui conservés dans les collections du musée de l’hôtel Goüin de Tours : pèle mêle des outils de mécanique, d’optique, d’astronomie, de statique des fluides… dont des cadrans solaires, des cornues, des leviers croisés, une balance hydrostatique, une pompe à vide, pompe de compression… On sait que, espérant sans doute entrer à l’Académie des Sciences, Louis Dupin de Francueil *avait demandé à Jean-Jacques Rousseau de rédiger un livre, resté inachevé, de vulgarisation scientifique. Quant à la vocation de musicien de Rousseau, s’il ne put faire aboutir son projet d’un nouveau système de notation de la musique afin de la rendre accessible au plus grand nombre (refusé par l’Académie des Sciences en 1742), il composa. L’une de ses pièces d’opéra, le Devin du village fut joué sur le théâtre de la Cour à Fontainebleau avec un certain succès. Louis XV relate-t-on en fut charmé.
* Rappelons que ce même Dupin de Francueil épousa en secondes noces, la fille bâtarde du maréchal de Saxe, Marie-Aurore. Leur fils, Maurice Dupin est le père de George Sand.
La Bonne Dame de Chenonceau
A la fin de sa vie, Madame (veuve) Dupin dont les séjours à Chenonceau étaient de plus long se consacra à faire du bien autour d’elle. Les habitants des quatre paroisses de la châtellenie en furent reconnaissant notamment au moment de la Révolution. Elle les faisait soigner par son chirurgien, un certain Bretonneau dont elle aida le fils dans ses études médicales. Il s’agissait de Pierre Bretonneau* (1778-1862) qui se fit connaître mondialement par ses travaux sur la typhoïde et la diphtérie. Que risquait-elle, cette Bonne Dame de Chenonceau des révolutionnaires ? Elle était seule ayant perdu son petit-fils, Dupin de Rochefort pour l’éducation duquel Jean-Jacques Rousseau avait écrit l’Émile et son unique neveu (Vallet de Villeneuve). Quand Chenonceau fut menacé de destruction, le curé de Chenonceau, l’abbé Lecomte devant le Comité révolutionnaire s’exclama : Eh quoi citoyens ! Ne savez-vous pas que Chenonceau est un pont ? Vous n’avez qu’un seul pont entre Montrichard et Bléré et vous parlez de le démolir ! Vous êtes les ennemis du bien public ! Grâce à lui également, furent soustraits les plus importantes archives de Chenonceau en les mettant sous la protection des scellés de la commune. Madame Dupin en bonne citoyenne paya généreusement sa contribution patriotique. Elle donna beaucoup sacrifiant à la fureur révolutionnaires quelques portraits royaux mais préserva l’essentiel en ayant eu la bonne idée de transformer la chapelle du château en réserve de bois. Elle mourut dans l’ancien salon de Catherine de Médicis, au rez-de-chaussée du château (aujourd’hui appelée chambre de François 1er), à l’extrême fin du siècle. Elle avait 92 ans. Elle repose sur l’autre rive du Cher, au sein d’une clairière de la forêt de Franceuil, dans l’alignement du célèbre pont de Chenonceau.
*Pierre Bretonneau épousa Marie-Thérèse Adam, fille naturelle de leur fils, Jacques-Armand qu’il confia à sa mère, Madame Dupin avant son départ pour l’Île de France (l’Île Maurice) où il mourut de la fièvre jaune.
Marguerite Pelouze, l’extravagante amoureuse de Chenonceau
Lorsque le dernier descendant de Madame Dupin, le comte de Villeneuve meurt en 1863, ses deux enfants, vendent le château et ses 136 ha. L’acheteur dans la bonne tradition de Chenonceau est une femme, Marguerite-Henriette -Joséphine Wilson (fille de Daniel Wilson, ingénieur ayant fait fortune dans les forges du Creusot). Elle a épousé en 1857, Eugène Philippe Pelouze, médecin, fils du grand chimiste Théophile-Jules Pelouze (dont le nom est inscrit sur le premier étage de la tour Eiffel). Du mari, mort en 1881, on ne retient presque rien si ce n’est qu’il formula une demande en séparation de corps et de biens le 25 janvier 1869.
Redonner à Chenonceau son aspect du début du XVIe siècle
Marguerite Pelouze est une femme dotée d’une forte personnalité. Elle est à la tête d’une immense fortune. Elle fera de Chenonceau “sa chose”. Mais redonner l’apparence que le château avait à la Renaissance tout en respectant scrupuleusement les vestiges de l’état primitif sera une entreprise colossale. C’est à l’architecte Roguet (disciple de Viollet-le-Duc) qu’elle confie cette tache commencée en 1865 : rendre au château son aspect présumé du début du XVIe siècle. Les travaux vont coûter 1,5 million de francs de l’époque (plus de 3 millions d’€). Après la reprise du bâtiment des Dômes, c’est au château lui même de subir cette cure de purification en gommant les additions de Catherine de Médicis. Il faut retrouver le style de la première Renaissance. Pour cela, on remodèle, on démolit (la chambre de de la reine Louise notamment), on rétablit tourelles, lucarnes, balcons balustrades. La chapelle est dotée d’un clocher et de 3 nouvelles verrières sans parler du projet d’une crypte funéraire pour elle et ses parents. Au sous-sol, les cuisines sont équipées pour répondre au train de vie de la maison et aux fêtes somptueuses dont l’une fut honorée par la présence du président de la république, Jules Grévy (le beau-père de son frère, Daniel Wilson) : une fête de nuit sur le Cher avec reconstitution du Bucentaure entouré de gondoles. Dans les jardins, oublié le goût anglais hérité des propriétaires précédents. On rétablit allées, terrasses et parterres allant jusqu’à abattre l’immense chêne vert dont la plantation datait de Catherine de Médicis. Mais intrigues politiques (le scandale des décorations de 1887) où se trouve mêlé le propre frère de Madame Pelouze, Daniel Wilson (gendre du président Jules Grévy), additionnée aux dépenses inconsidérées et c’est la chute, une chute brutale. La banque (le Crédit foncier) ordonne la saisie et la vente de Chenonceau en 1889. A noter qu’avant de trouver un acquéreur, la banque ouvre le château à la visite. Il n’y a pas de petit profit !
A Chenonceau, Marguerite reçoit Flaubert, Debussy… et le président de la République
Marguerite Pelouze est une femme excentrique, fortunée, séduisante. Elle fera de Chenonceau une Académie des arts et des lettres où elle accueille des écrivains, historiens, musiciens, peintres et sculpteurs. Gustave Flaubert séjourne 3 fois à Chenonceau. En 1879, elle a besoin d’un pianiste pour compléter le petit orchestre de chambre du château. Antoine Marmontal qui a formé nombre d’élèves (et notamment Georges Bizet) lui propose le tout jeune (il a 17 ans) Claude Debussy. Il passera l’été à Chenonceaux ébloui par cette femme fastueuse, raffinée, passionnée de Wagner. Elle reçoit également des hommes politiques pour aider son jeune frère, Daniel Wilson. Les enfants Wilson ont en effet perdu très tôt leurs parents. A partir de 1857, c’est Marguerite qui se chargera de l’éducation de Daniel. Elle l’initie à la vie mondaine, lui fait connaître les personnalités des arts, de la politique et des affaires. Entre eux naît une relation extrêmement forte. Certains prétendent qu’elle ira jusqu’à l’inceste. Peut-être la raison qui poussa son mari, Eugène Philippe Pelouze, le 25 janvier 1869 à faire une demande en séparation de corps et de biens ?
Daniel Wilson épouse à la fois la fille et le parti du président de la République
Si Daniel Wilson voulut s’impliquer dans l’ordonnancement des jardins de Chenonceau en redessinant notamment le labyrinthe et le jardin de Diane, il se montra bien moins habile dans le domaine de la politique. D’abord, il se fit élire député (député radical) de Loches sans discontinuité de1876 à 1889. Il avait acheté pour cela dans cette petite sous-préfecture de l’Indre-et-Loire, (à 40 km de Chenonceau), filature, château et four à chaux. Ensuite, fervent supporter de Jules Grévy rencontré grâce à sa sœur, il devint non seulement sous-secrétaire d’Etat aux finances en 1879 mais l’époux d’Alice Grévy, la fille du président de la République Jules Grévy (de 1879 à 1887). Le mariage fut célébré le 22 octobre 1881 dans la chapelle du Palais de l’Élysée avec pour témoin, Jules Ferry, président du Conseil. Et la réception, devinez où ? A Chenonceau évidemment ! Mais que penser des rumeurs qui couraient à l’époque ! Marguerite Wilson Pelouze, élégante et séduisante ne serait-elle pas la maîtresse du président de la République. Aurait-elle favorisé le mariage de son frère (et sa carrière politique) faisant de Jules Grévy l’amant de la sœur de son gendre.
L’énorme scandale des décorations
Comme époux de la fille du président de la République, Daniel Wilson va éhontément profiter de sa position à l’Elysée. Il prend le risque de marchander à prix fort l’octroi de décorations et autres médailles, pour l’obtention de marchés publics. Cet argent frauduleusement acquis lui sert à financer ses journaux de province et sa carrière politique. Le scandale des décorations éclate le 7 octobre 1887. La chambre des députés autorise l’ouverture d’une action judiciaire contre Wilson pour trafic d’influences. Auparavant, il avait entrainé la démission du président de la République dès décembre 1887 (« Ah quel malheur d’avoir un gendre ! » se gaussent les chansonniers). Daniel Wilson est condamné à deux ans de prison le 23 février 1888. Il est acquitté en appel et il se fera réélire député en 1893 et en 1898 ! En dommage collatéral, Chenonceau ! Les banquiers affolés par le scandale et les dettes astronomiques dues à la restauration du château et au train de vie dispendieux de Mme Pelouze hypothèquent le domaine. Il est ensuite saisi à la demande des créanciers et adjugé au Crédit foncier pour la somme de 410 000 fr. Quant à Mme Pelouze, elle s’éteindra dans sa propriété d’Antibes (Côte d’Azur) en 1902 où elle s’était retirée.
Les impressionnantes cuisines de Chenonceau
Les Cuisines Renaissance ont reçu pendant la Première Guerre Mondiale, un équipement moderne qu’on voit aujourd’hui et qu’imposait la transformation du Château en hôpital. Elles sont installées dans les énormes soubassements que forment les deux premières piles assises dans le lit du Cher. On distingue l’office qui est une salle basse aux deux voûtes sur croisées d’ogives. Sa cheminée du XVIe siècle est la plus grande du château, à côté se trouve le four à pain.
IV/Chenonceau aux bons soins de la famille Menier
Voici près de 110 ans que la famille Menier est au chevet de Chenonceau. Quand Chenonceau est mis aux enchères en 1913, il est acquis par Henri Menier, héritier de la célèbre dynastie de chocolatiers (à l’époque détenteur de la plus grande chocolaterie du monde). Dans la ligne droite de l’histoire du château, Henri Menier offre Chenonceau à sa jeune épouse, Hélène-Thyra Seillière (ils se sont mariés en 1911) : En vous offrant Chenonceau … j’ai voulu vous rendre l’hommage que les châtelains de la Renaissance offraient à la dame de leurs pensées (Hélène, 1880-1973, s’est fait connaître comme femme de lettre). Cinq mois plus tard, il mourait d’une phtisie pulmonaire.
Quand Chenonceau devient hôpital pour les blessés de la Grande Guerre
Sans enfant, Henri Menier laisse Chenonceau à son frère Gaston. C’est lui qui à la déclaration de la Grande Guerre, dès 1914 propose au ministère d’aménager un hôpital militaire temporaire dans le château. 120 lits vont ainsi être installés dans les 2 galeries de Catherine de Médicis. La famille Menier assura tous les frais, jusqu’à la signature de la paix en 1918, de cet hôpital provisoire mais doté des dernières innovations tant sur le plan médical, que sur les équipements dont l’un des premiers appareils de radiographie à rayon X.
Galerie de Chenonceau, d’une magnifique salle de bal à une pathétique salle d’hôpital
Les Bohier projetait déjà en 1517, la construction d’un pont sur le Cher. Il sera élevé quarante ans plus tard par Diane de Poitiers. C’est en 1576, d’après les plans de Philibert de l’Orme, que Catherine de Médicis fait construire, par Jean Bullant, une galerie sur le pont de Diane de Poitiers : une superbe galerie longue de 60 m, large de 6 m, éclairée de 18 fenêtres, avec son sol carrelé de tuffeau et d’ardoise et son plafond à solives apparentes. Elle devient une magnifique salle de bal inaugurée en 1577 lors des fêtes données par Catherine de Médicis en l’honneur de son fils le Roi Henri III. A chaque extrémité, deux très belles cheminées Renaissance, dont l’une n’est qu’un décor entourant la porte sud qui mène à la rive gauche du Cher (Photos FC)
Galerie basse du château de Chenonceau au dessus du Cher et les Cheminées des deux Galeries (Photos FC)
Simone Menier, infirmière en mode garçonne
Mieux encore, la propre belle-fille de Gaston, Simone 1881-1972 (femme de Georges Menier), brevetée infirmière major et administrateur de l’hôpital épaulera médecins et chirurgiens qui soignèrent durant ces 4 ans 2254 blessés. Simone fut une femme exceptionnelle, à la hauteur des Dames de Chenonceau. Sportive, intrépide, voyageuse, aventurière, elle avait été l’une des premières femmes à adopter la nouvelle mode garçonne, lancée par Coco Chanel. Plus tard, elle fit acte de bravoure durant la seconde guerre mondiale (1939-1945). Ce conflit toucha Chenonceau presque par ricochet. Le château et son pont chevauchait la ligne de démarcation établie entre 1940 et 1942 avec zone occupée et zone libre ; la galerie du premier servant à la Résistance à faire passer nombre de personnes en zone encore libre. Au retour de la paix, il fallut réparer les dégâts, ceux d’abord de la crue historique du Cher de mai 1940 qui dévasta le Jardin de Diane* puis ceux dus aux bombardements allemands. A cela s’ajouta le raid d’un avion américain le 7 juillet 1944 sur Chenonceau encore occupé. Les bombes heureusement ne tombèrent que dans le Cher, dont une à proximité de la chapelle. Elles détruisirent les vitraux d’origine, remplacés en 1954 par Max Ingrand. La famille Menier engagera après la guerre un homme clé, Bernard Voisin, agronome de son état. Elle lui confie la direction du domaine et du vignoble. Il restera à Chenonceau quarante ans. Sous sa gestion, Chenonceau deviendra l’un des châteaux les plus visités de France.
*La crue de juin 2016 fut aussi dévastatrice.
La sortie la plus secrète du château de Chenonceau
Porte sud à l’extrémité de la galerie. Un petit pont levis permet de gagner la rive gauche du Cher en lisière de la forêt de Francueil. Lorsque que je passais quelque temps chez mes amis Artigaud de Francueil combien de fois allions nous courir sur ces berges, toujours émerveillés au spectacle de ce château si bien posé sur l’eau ? Lors de la Seconde Guerre Mondiale, le Cher matérialisait la ligne de démarcation. L’entrée du Château se trouvait ainsi en zone occupée (rive droite). La galerie, dont la porte sud donnait accès à la rive gauche permit à la Résistance de faire passer de nombreuses personnes en zone libre. Durant toute la guerre, une batterie Allemande se tenait prête à détruire Chenonceau à tout moment (Photo FC)
Laure Menier Brasilier, celle qui fit passer Chenonceau au XXIe siècle
Jean-Louis Menier (fils de Hubert Menier et d’Odette Gazay) rencontre Laure Marie-Victoire Brasilier d’Hauterives en 1977, elle a 18 ans. Elle sera la huitième Dame de Chenonceau. Ils se marieront en 1981. Laure vient d’une famille d’artistes peintres et de sculpteurs ? C’est elle qui fera de Chenonceau un vivier de l’art contemporain. Ses études ont été brillantes. Elle a été formée à la Sorbonne et au Collège de France (latin, grec). Elle est également diplômée de l’Institut des relations internationales. Le couple a deux enfants, Henri et Cosima. Depuis 2002, Chenonceau est sous l’autorité très avisée de Laure Menier Brasilier qui gère seule la conservation et la gestion du domaine. Elle entreprenait en 2009 une vaste restauration et de remise en état du château. Depuis toujours, elle a voulu positionner Chenonceau comme un produit haut de gamme, un « produit de luxe » n’hésitant pas à innover comme dès 2004, l’introduction pour la visite de baladeurs iPod d’Apple (Une première !).
Laure Menier fait renaître l’Apothicairerie de Catherine de Médicis
Surtout ne manquez pas l’Apothicairerie de Catherine de Médicis installée dans le bâtiment des Dômes, à l’endroit où elle se trouvait à l’époque de la reine Catherine de Médicis. D’ailleurs, d’après Caroline Darrasse, elle est la parfaite réplique de celle qui existait du temps de la reine noire, Catherine de Médicis, une reine très soucieuse de la santé de ses enfants. Ce monumental ensemble en ronce de noyer a été racheté dans un palais florentin que trouva presque par hasard, Laure Menier Brasilier. Il fallut à deux ébénistes d’art trois ans pour le reconstituer. Il accueille une collection de 500 bocaux, pots ou encore mortiers* (vitrines restaurées par des maîtres verriers) utilisés dans la préparation des remèdes et onguents. Catherine de Médicis a toujours su s’entourer de scientifiques. Parmi eux, Augier Ferrier son médecin ordinaire, qui était français ou encore le célèbre Nostradamus, son herboriste, dont la renommée était telle, que la reine le fit venir à la cour dès 1555. A cette apothicairerie, viendra s’ajouter un jardin des simples dès l’automne 2020. Il sera planté derrière le potager rustique, afin de faire revivre cet héritage séculaire et, pourquoi pas, élaborer in situ des tisanes médicinales.
* Une impressionnante collection de 500 flacons, bocaux peints et pots en faïence bleu et blanc, dont certains datent du XIVe siècle.
L’apothicairerie de Catherine de Médicis reconstituée aux Dômes à Chenonceau, à l’endroit même où elle se situait au XVIe siècle (Photos FC)
Chenonceau en ses autres jardins
Chenonceau côté jardins, il y a bien sûr le jardin de Diane de Poitiers (12 000 m²) et celui de Catherine de Médicis (5 500 m²). En 2019, 500e anniversaire de sa mort, il était intégralement planté en noir et blanc comme les couleurs on iconique galerie. Vous parcourrez sans doute, le potager des fleurs mais aussi ce surprenant jardin hommage à Russell Page, l’un des plus grands paysagistes contemporains.
Jardin en hommage à Russell Page
Ce nouveau jardin de Chenonceau a été inauguré en 2018. Il a trouvé sa place dans un espace clos, proche de l’orangerie (lieu jusqu’alors destiné aux enfants). L’idée de sa création revient à Laure Menier. Elle avait retrouvé dans ses archives familiales des plans de jardin dessinés de la main de Russell Page. Celui-ci est peu connu et pourtant, il fut un grand paysagiste anglais du XXe siècle qui vécut et travailla en France de 1930 à 1962, notamment en Normandie et sur la côte d’Azur. De lui, un manuel “L’Éducation d’un jardinier” que dévorent encore nombre de jeunes paysagistes. Pour le concevoir, Nicholas Tomlan, le botaniste du domaine va se déplacer en Normandie sur les traces des jardins de Russell. Nourri de ces visites, il dessina, puis réalisa le jardin à partir de la palette végétale des plans de Russell Page tout en y apportant de menues adaptations. Le résultat est surprenant !
L’Orangerie, le restaurant gastronomique de Chenonceau
Quelques plants de vigne à l’ombre des Dômes
Que reste-t-il du domaine viticole de Chenonceau ? Une dizaine d’hectares confiés depuis 2008 à un vigneron local (Caves du Père Auguste) et pour rappel, ces quelques rangs de vigne au pied du bâtiment des Dômes (XVIe siècle). En dessous, la cave historique voûtée servant à la dégustation et à la vente. Ici, dans le Jardin vert, à l’ombre de ce superbe chêne-vert, se profile la galerie des Dômes qui servit d’écuries et qui abritât un élevage de vers à soie introduit en France par Catherine de Médicis. La Galerie des Dômes, rend aujourd’hui hommage à l’Hôpital militaire aménagé à Chenonceau de 1914 à 1918 (Photos FC)