Cathédrales, Abbayes, Châteaux, Ponts…

On peut rêver Chambord. Chaque fois, c’est la même impression. On reste stupéfait à la vue de ce château, pétrifié par cette sensation d’irréalité, de rêve, de magnificence. Photo © François Collombet

Chambord, un château unique au monde

Entrée du donjon de Chambord, façade nord à partir des Jardins à la française. Photo © François Collombet

Chambord est le plus somptueux des rendez-vous de chasse dont on puisse rêver ! Le plus extraordinaire cadre de fête Jamais vu ! Jugez-en : 426 pièces, 77 escaliers dont dix principaux, 365 fenêtres, une infinité de couloirs et de galeries. Des dimensions impressionnantes : 157 mètres de long sur 114 mètres de large. Et que dire de cet escalier des merveilles : un véritable tour de force pour l’époque ! II est au centre du château, au point de rencontre des quatre galeries centrales. II doit desservir tous les appartements occupés par les invités du roi sans qu’ils aient en permanence à remonter ou à redescendre. À tout cela, faudrait-il ajouter les communs, les cuisines, les écuries, la fauconnerie qui pouvait loger 300 oiseaux de chasse et les bâtiments qui devaient abriter les centaines de chiens de meutes entraînés à la chasse à courre. Chambord c’est aussi un château au milieu d’un parc de 5440 ha, tout simplement le plus grand parc clos de murs d’Europe (32 km de mur d’enceinte). Ajoutez aujourd’hui, des jardins à la française de plus de 6 ha, un vignoble avec vue directe sur le château, un chai qui occupe une ancienne ferme du domaine adossée au mur d’enceinte du parc (inauguré en juillet 2022) et, des jardins potagers en permaculture dans les anciennes écuries de Louis XIV. Alors oui, levons notre verre, un vin de Chambord, peut être un romorantin, issu d’une vigne plantée avant 1850, à la santé des 500 ans et un peu plus de ce château qui émerveille encore et encore !

Chambord, château royal et pourtant !

Quel paradoxe, ce fut un château délaissé par les rois ! Ce château, écrivait Flaubert, « on l’a donné à tout le monde, comme si personne n’en voulait ou ne pouvait le garder. II semble n’avoir jamais servi et avoir toujours été trop grand. » François 1er pendant ses 32 ans de règne n’y passa que quarante jours ; Henri IV n’y vint jamais ; Louis XIII n’y fit qu’une courte apparition, Louis XIV fit revivre quelque temps la belle endormie et la cour n’y vint plus après 1684. Et pourtant, tout avait commencé comme un rêve, un rêve de grandeur !

Chambord a créé en 2019, les jardins-potagers à culture maraîchère et fruitière. Ici, première parcelle de 5000 m2, encerclée par les murs en ruine d’une écurie du XVIIe siècle construite pour Louis XV. Ces jardins en permaculture s’inspirent de pratiques agricoles avant-gardistes sur le modèle de la grande ferme du Bec Hellouin en Normandie. Photo © François Collombet
Ah, cette grande perspective longue de 4,5 km qui traverse le château du nord au sud dans un axe au centre duquel se trouve le célèbre escalier à double-révolution. Le jeune garçon qui se tenait à mes côtés enleva son casque pour me demander quelle était cette tache brune qui, il est vrai, gâche un peu ce parfait ordonnancement. C’est Sting lui répondis-je qui venait de s’arrêter là avec sa tournée Sting (fin juin 2022) : My Songs, un concert “rock-ambolesque”. Sting me répondit-il !!! (Photo © François Collombet)
Chambord, façade sud-est, place d’Armes et grande pelouse. Au centre, la porte royale qui donne accès au château (Photo © François Collombet)

Château de Chambord, cinq siècles d’Histoire et de mystères

Le rêve d’un roi mégalomane !

La visite du château de Chambord tout naturellement s’ouvre sur un tableau de François 1er. Il est représenté en pied, ce qui est rare, tenant le bâton de commandement dans la main droite, la main gauche posée sur le pommeau de son épée. Ce tableau a probablement été réalisé pour une galerie de portraits. A l’origine, il devait être encastré dans un lambris ce qui explique la forme découpée des angles supérieurs. Initialement attribués aux Clouet, artistes du XVIe siècle, il date plus vraisemblablement de la fin du XVIIe siècle. Photo © François Collombet

Pourquoi Chambord, pourquoi avoir choisi l’emplacement d’un petit manoir, rendez-vous de chasse des comtes de Blois ? Un lieu que l’on disait hanté les nuits d’automne par le maléfique chasseur noir. Chambord, à l’instar de Versailles, est le fait du prince, François 1er qui vient d’avoir vingt-cinq ans ; il aime cet endroit giboyeux situé non loin de sa bonne amie, la comtesse de Thouin. A son retour d’Italie, en 1519, il décide d’y faire construire un château à l’image de sa démesure. « Tel est notre propre plaisir », aimait-il à dire !

Ce sera l’œuvre de sa vie. II voit grand, au point de détourner le cours du Cosson jusqu’au pied du château pour alimenter douves et bassins. Des sommes énormes vont y être englouties. Des milliers d’ouvriers travailleront jour et nuit. Il faut assécher un marais, poser les fondations sur pilotis… Plusieurs fois interrompus, les travaux durent plus de vingt-cinq ans. A la mort du roi, en 1547, Chambord reste inachevé.

Un château Renaissance, un palais idéalisé sous influence de Léonard de Vinci

Mais qui en sont les véritables architectes ? Léonard de Vinci, installé non loin de là au Clos-Lucé ; Dominique de Cortone, dit le Boccador, auteur d’une maquette en bois du château. Travailla-t-il sur les plans de Léonard de Vinci ? N’oublions pas que Léonard était premier peintre, architecte et ingénieur du roi. Tout indique son influence : le plan centré du donjon* ; la présence du monumental escalier à double-révolution ; le système de latrines à double fosse ; les conduits d’aération, le système d’étanchéité des terrasses…, tous ces plans sont bien présents dans ses carnets. Chambord fut sa dernière création architecturale puisqu’il meurt en 1519, quelques mois avant le début des travaux. Un nom reste en tout cas attaché à cette monumentale entreprise, celui de Jean Le Breton, responsable des finances pour l’édification de Chambord, et qui profita de cette charge pour construire à son profit les châteaux de Villesavin et surtout de Villandry.

*La composition interne du donjon est un trait d’italianisme par ce plan centré en croix grecque dont les quatre faces s’ouvrent sur de grandes salles (9 m de large sur 18 m de long) dont les angles sont occupés par des logis standardisés.

Qui sont les véritables architectes de Chambord ?

Serait-ce Léonard de Vinci, installé non loin de là, au Clos Lucé, à Amboise. Entre le roi et ce génie de la Renaissance italienne, l’entente est parfaite. Le lieu est choisi : ce sera Chambord. Ensemble, ils élaborent les premiers plans. L’imagination est au pouvoir jusqu’à détourner la Loire (sur 4 kilomètres) pour entourer le château. Les ingénieurs du roi, effrayés par le projet, l’en dissuadent. Mais de Vinci meurt le 2 mai 1519, juste avant le début des travaux. François 1er, nomme alors François de Pontbriant. II sera l’homme de la situation. Une autre supposition met en avant Dominique de Cortone, dit “le Boccador”, auteur d’une maquette en bois du château. Travailla-t-il sur les plans de Léonard de Vinci ? L’influence italienne y est très nette. Un nom reste en tout cas attaché à cette monumentale entreprise : c’est celui de Jean Le Breton, responsable des finances pour l’édification de Chambord, et qui profita de cette charge pour se faire construire Villesavin et surtout Villandry. Les travaux vont s’éterniser pour mener à bien ce « colossal caprice » épuisant les 1800 ouvriers du chantier et les finances du royaume. Lorsque les fondations du donjon sortent enfin de terre, c’est la défaite de Pavie et la captivité du roi en Espagne. “Tout est perdu fors l’honneur” écrit-il à sa mère.

Sous les pavés du château, les latrines

Les latrines de Chambord, un apport du génie de Léonard de Vinci. A Chambord, souffle le génie du grand Léonard de Vinci. Son influence dans la conception d’un tel château va jusqu’au système de latrines à double fosse et des conduits d’aération (Tous ces croquis se retrouvent dans ses fameux carnets). C’est un fait archéologique et historique. Lorsque, en 1999, on voulut entreprendre le réaménagement de l’espace-accueil, des prospections géophysiques, furent menées pour savoir s’il existait des structures souterraines risquant d’être menacées par les travaux ; ceux-ci étant prévus pour s’étendre jusqu’à l’angle oriental de l’enceinte basse. Les craintes étaient bien réelles puisque le plan de l’architecte Jacques Androuet du Cerceau établi en 1576, montre de larges bancs percés, laissant supposer la présence d’une imposante fosse d’aisance. Mais ces latrines avaient disparu sur les plans postérieurs. La fosse avait-elle été remblayée, ou tout simplement devenue inaccessible ? Oui, inaccessible mais pas toutes* ! Les scientifiques ont démontré qu’elles furent intensément utilisées pendant le règne de Louis XIV ou les séjours du Maréchal de Saxe à Chambord. Ainsi, elles durent être vidées ce qu’indiquent les extraits de comptes des Bâtiments du Roi. Un curage fut effectué en 1690, un autre en 1800. Les matières organiques étaient alors utilisées comme engrais pour le jardin notamment.

*Certaines latrines du château demeurent des « réserves archéologiques ».

On peut rêver Chambord mais c’est un trésor qu’il faut sans cesse entretenir. Ainsi, ces échafaudages sont là pour la restauration des lanternons des toitures du château, pas entretenus depuis la fin du XIXe siècle. Sont en train d’être restaurés, en plomb, les quatre lanternons du donjon (tour Dieudonné, tour Henri V, tour François 1er, tour Caroline de Berry), ainsi qu’en ardoise, les lanternons de la tour Robert de Parme et la tour de la Chapelle (Photo © François Collombet)
Un chantier pharaonique

Vingt ans seront nécessaires pour élever le donjon central (1519-1539). On a dénombré 1800 ouvriers au plus fort de l’activité. De la Loire, il fallut remonter plus de 20 000 tonnes de pierre de tuffeau venue par chalands de Tours jusqu’au port de Saint-Dyé. L’ardoise des couvertures était extraite de carrières près d’Angers ; le bois de charpente, des forêts alentours et le plomb servant à étanchéifier les toits, d’Angleterre.

C’est un miracle du monde

De Chambord, Brantôme disait : « C’est un des miracles du monde. » En, fait ce qu’écrit Pierre Bourdeille dit Brantôme en 1570 est : Chambord, encore tout imparfait qu’il est, compte parmi les miracles du monde. Le château n’était en effet pas achevé et notamment l’aile de la chapelle et l’enceinte basse quand Claude Sourdeau prend la direction du chantier (1561-1584). Dans ce miracles du monde, pourtant, François 1er, n’y fera que de brefs séjours. Haltes de chasse en ces belles matinées d’automne : Chambord s’éveille alors au son des cors et s’endort au crépuscule, quand cavaliers et suiveurs jettent aux pieds des dames cerfs et sangliers, éventrés dans le rougeoiement des gigantesques cheminées.

Chambord, vers la place d’Arme et la façade sud-est, en contournant le château par l’ouest (Photo © François Collombet)

François 1er à Charles Quint passant par Chambord : “allons chez moi”

1530 est une année exceptionnelle ; le roi passe à Chambord un mois plein en compagnie de la nouvelle reine, la très belle Éléonore de Habsbourg, sœur de Charles Quint, qu’il a épousée en secondes noces. Au mois de décembre 1539, un hôte de marque est attendu. Tout doit être prêt, les quatre cent quarante pièces, les quatre-vingt- trois escaliers, les trois cent soixante-cinq cheminées, les huit cents chapiteaux, pour l’arrivée de Charles Quint. « Allons chez moi », avait dit le roi faussement modeste à son impérial visiteur, qui ne put qu’admirer les prouesses architecturales et les mille et un chefs-d’œuvre réunis à Chambord.

Quand Chambord reçoit le maître du monde

François 1er veut éblouir l’empereur Charles Quint, son ennemi dont l’empire immense s’étend de l’Espagne et ses colonies d’Amérique et des Philippines, à l’Autriche des Habsbourg, aux possessions des ducs de Bourgogne dont les Pays-Bas- jusqu’au royaume des Deux-Siciles (ou de Naples). Charles Quint est un homme sévère, impitoyable, très ambitieux et sans générosité. N’avait-il pas exigé comme prisonniers, dix ans plus tôt, les fils de François 1er, contre la liberté du roi, ainsi que le paiement d’une énorme rançon après la défaite de Pavie ? Sa devise est à son image : « Toujours plus oultre. ». A son opposé, François 1er, est dépeint comme étant noble, chevaleresque, généreux et amoureux. Cette rencontre est cruciale. Elle doit sceller leur entente. Nous sommes en décembre 1539, et Chambord, dont le donjon vient de s’achever, est pavoisé. Mais quel luxe ! Le connétable de Montmorency, homme de confiance du roi, a réussi à transformer en quelques jours ce château vide et inachevé en décor de fête. Il avait été précédé par une véritable troupe de fourriers et de tapissiers chargés de rendre le château habitable. Pour Charles Quint, rien ne fut trop somptueux : on lui confectionna une chambre de damas noir pour satisfaire ses goûts, et une autre faite de taffetas noir enrichi d’or, agrémentée d’un lit portatif et de nombreuses tentures noires ornées d’aigles couronnés et d’armoiries impériales.

Trois jours de chasses, de festins et de fêtes

Le 8 décembre 1539, François 1er, accueille Charles Quint à Amboise. Le lendemain, la cour se rend au grand complet à Blois, puis à Chambord. Dans le cortège, on reconnaît la reine Eléonore, seconde épouse de François 1er, et propre sœur de Charles Quint, la reine Marguerite de Navarre, les fils du roi, dont le dauphin Henri (futur Henri II) et son épouse Catherine de Médicis, Jeanne d’Albret, la duchesse d’Etampes, etc. Trois jours de fêtes, de festins, de ballets et de chasse au daim. Dans toutes les pièces ont été répandues des fleurs et des herbes. Partout dans les appartements, on brûle des senteurs. Les immenses cheminées de Chambord rougeoient, illuminant des enfilades de salles bondées de courtisans. Mais le 19 décembre, la fête est finie. L’empereur ébloui quitte Chambord, et le roi part en pèlerinage à Notre-Dame de-Cléry. Le palais se vide. Tout est remballé. II ne reste plus rien que le vent, le froid et les brouillards de l’hiver.

François 1er à Chambord

De ses expéditions en Italie, François 1er rapporte en France un nouvel art de vivre appelé la Renaissance. À l’instar des mécènes italiens, il attire auprès de lui les plus grands artistes de l’époque. Il vit entouré d’une nombreuse cour, et Chambord est construit pour l’abriter l’espace d’une chasse ou d’une fête. C’est une cour nomade qui accompagne le roi de château en château. À Chambord (où François 1er n’a séjourné que quelques semaines), le roi s’installe dans l’aile est et la tour nord-est. Sa chambre immense s’ouvre par de vastes fenêtres sur le plan d’eau et le parc. Partout, les murs sont décorés de la salamandre, son emblème. À côté de la chambre royale, une garde-robe, un cabinet de toilette et des latrines. II a fait construire un escalier secret qui donne accès aux douves du château, bon moyen de s’échapper pour nouer quelques intrigues ou donner des rendez-vous amoureux.

Une cour nomade !

On ne séjourne à Chambord que le temps d’une fête ou d’une chasse à courre. Le mobilier précède : tentures, tapisseries pour réchauffer quelques murs froids de cet immense château. Au coin des cheminées, les lits sont installés avec courtines et matelas de crin. Les tables sont montées sur tréteaux. Pas de chaises, mais des” ployants ». Pas de fourchettes, mais les doigts. Et pourtant il n’est plus question de se moucher entre les doigts. Un nouveau traité de savoir-vivre est appliqué à la cour, celui de Cortegiano*.

*Baldassare Castiglione auteur du Livre du Courtisan (Il libro del cortegiano) publié en italien en 1528. C’est un manuel de savoir-vivre dans les cours européennes qui eut beaucoup de succès. Castiglione avait songé un moment à dédier son livre à François Ier.

649 officiers au service du roi François 1er

Lorsque le roi se rend à Chambord, il a son personnel qui, en 1532, compte : 649 officiers dont 48 aumôniers, 24 échansons, 22 portiers, 80 attachés de cuisine. Avec ses 8 médecins, ses 7 chirurgiens, ses 5 barbiers et son apothicaire, nul doute qu’il possède une santé de fer ! S’ajoute la poste royale, assurée par 120 « chevaucheurs », et les musiciens du roi qui animent les cérémonies religieuses et les fêtes. Un bref calcul montre que lorsqu’il se déplaçait à Chambord, le roi était accompagné par 15 000 personnes qu’il fallait bien loger. Quelle cour !

Claude, Éléonore, Françoise, Anne et les autres

C’est lors de son dernier séjour à Chambord en 1545, que François 1er aurait gravé à la pointe d’un diamant, sur la vitre de sa chambre, les deux vers restés célèbres : « Souvent femme varie. Bien fol est qui s’y fie*. ». À qui destinait-il ces vers désabusés ? À la comtesse de Thouin, ou à Claude de France, sa cousine, plus douce que belle, légèrement boiteuse comme sa mère, Anne de Bretagne ? François 1er prisonnier de Charles Quint après la défaite de Pavie en 1525, recouvra sa liberté par le traité de Cambrai, dit aussi paix des Dames : il avait promis en échange d’épouser Éléonore de Habsbourg. Après avoir été reine du Portugal, Éléonore devint donc reine de France en 1530. Cette femme, dont Théodore de Bèze aimait à chanter la beauté, fut pourtant délaissée par le roi qui lui préférait ses maîtresses.

* Louis XIV, accompagné de la toute jeune Marie Mancini, aurait lu la sentence et brisé la vitre.

Impossible de répertorier toutes les maitresses du roi

Quel chroniqueur aurait pu répertorier toutes les maîtresses du roi ? Deux d’entre elles ont marqué la vie de cet insatiable souverain. Les couloirs obscurs, les escaliers dérobés de Chambord permettaient sans doute de les rejoindre discrètement. La première est l’altière et très spirituelle Françoise de Châteaubriant. Une femme de tempérament, mariée à dix-sept ans à Jean de Montmorency-Laval, comte de Châteaubriant. Elle devint la maîtresse du roi en 1518 pour un « règne » qui devait durer dix ans. Nul ne saurait ignorer le panache dont elle fit preuve lorsque le roi, lui préférant la très jeune Anne d’Heilly, demanda qu’elle restituât les joyaux reçus. Elle les rendit, mais fondus. La seconde, la ravissante Anne de Pisseleu, fut la véritable reine de Chambord. Considérée à l’égal d’une reine, elle fut pourtant exilée à la mort du roi et son duché remis à sa pire ennemie, Diane de Poitiers. Souvent roi varie, bien fol est qui s’y fie !

Parmi les reines de Chambord, s’il fallait en désigner une, ce serait la blonde Anne de Pisseleu, fille d’honneur de Louise de Savoie, la mère du roi. François 1er la rencontre en 1526, à son retour de captivité, après la défaite de Pavie. Elle régnera pendant vingt ans sur le cœur du roi. Celle que l’on appelait” la plus belle des savantes et la plus savante des belles », éprouva pour lui une réelle passion et fut la seule à l’accompagner jusqu’à son lit de mort. Sitôt François Ier mort, le 31 mars 1547, elle se voit dépouillée de ses bijoux et de ses titres et chassée de la cour. (Huile-sur-bois datant de1535-1540, de dimension : 768 cm X 940 cm) Photo DR
Chambord, escalier à double-révolution. Le plan même du château et ses décors ont été conçus autour de l’axe central, ce monumental escalier inspiré par Léonard de Vinci, une spirale ascendante menant du rez-de-chaussée aux terrasses où culmine la Tour Lanterne. Chateaubriand écrivait que Chambord n’a qu’un escalier double, afin de descendre et monter sans se voir : tout y est fait pour les mystères de la guerre et de l’amour (Photo © François Collombet)

Rien n’est plus comme avant

À la mort de François 1er, Henri II poursuit les travaux de son père, ajoutant aux salamandres, emblème de François 1er, son chiffre, lié au croissant de Diane de Poitiers, sa maîtresse. La reine, Catherine de Médicis, vient encore au sommet du campanile se livrer à quelques expériences d’astrologie. Mais rien n’est plus comme avant. Le château se délabre, l’eau filtre par les terrasses ; un inventaire de l’époque constate la disparition totale du mobilier.

Grand escalier. Des centaines de monogrammes et de salamandres ornant le plafond du second étage. Photo © François Collombet

Un palais des plaisirs pour le Roi-Soleil

Louis XIV se plaît à Chambord au point d’aménager des appartements royaux au premier étage du donjon. À l’automne 1669, il y séjourne avec toute la cour. La chasse est bien sûr son passe-temps favori, mais « il y eut comédie, bal et grand souper, de manière que jamais la cour ne s’est mieux divertie ». Pensez-donc, Molière et Lulli y donnent un divertissement mêlé de ballets, Monsieur de Pourceaugnac. La cour applaudit. Le roi s’ennuie. Lulli a l’idée de sauter à pieds joints sur un clavecin placé en contrebas de la scène. L’effet est immédiat, et la pièce remporte un vif succès. L’année suivante, Molière monte à Chambord le Bourgeois gentil­homme. Cette turquerie est jouée devant le roi dans un silence de marbre. Les courtisans sont médusés de tant d’impertinence. À la deuxième représentation, le roi est rayonnant : plus de sarcasme, mais des éloges, un triomphe ! : “je suis tout à fait content de votre comédie, voilà le vraie comique et la bonne et utile plaisanterie.” Mais un autre château préoccupe maintenant le roi, c’est Versailles. Chambord le reverra pourtant plusieurs fois encore. Il suit les aménagements qu’apporte Mansart. Était-ce utile ? Le château reste inoccupé pendant vingt-cinq ans. Il sera offert à Stanislas et Catherine Leszczynki, détrônés de Pologne, par Louis XV, leur gendre. Mais les exhalaisons des douves et des marécages ne conviennent pas à Stanislas, qui souffre de rhumatismes. Le traité de Vienne l’enverra finalement profiter de la souveraineté viagère qui lui fut octroyée sur les duchés de Bar et de Lorraine.

L’atmosphère du théâtre aménagé par Louis XIV pour la troupe de Molière est restituée au premier étage, là où se jouèrent en 1669 et 1670 les premières de Monsieur de Pourceaugnac et du Bourgeois gentilhomme (décor conçu avec l’aide et le conseil du décorateur Jacques Garcia). Photo © François Collombet
Appartement de parade au 1er étage aménagé par Louis XIV vers 1680 et redécoré par le maréchal de Saxe en 1748. Les salles présentent aujourd’hui un état proche des descriptions du milieu du XVIIIe siècle. Photo © François Collombet
La chambre de la reine aurait pu être la première chambre de François 1er avant la construction de l’aile royale. Elle est aujourd’hui aménagée en chambre du XVIIe siècle. Elle a accueilli la reine Marie-Thérèse d’Autriche puis la Dauphine, pendant les séjours de Louis XIV. Photo © François Collombet

Chambord, le cadeau de Louis XV au vainqueur de Fontenoy

Louis XV donne Chambord, en 1748, à un mégalomane de talent, le condottiere Maurice de Saxe, fait maréchal de France après la victoire de Fontenoy en 1745. Chevaux, soldats et femmes sont à la fois les figurants et les acteurs d’intrigues, de farces et de drames à la hauteur du personnage avec Chambord comme décor. Louis XV avait autorisé le maréchal à conserver son régiment de Saxe-Volontaires. Ils tiennent donc garnison à Chambord : six brigades de 160 hommes, composées de Polonais, Hongrois, Allemands, Turcs, Noirs, tous habillés à la « tartare », que le maréchal fait manœuvrer chaque matin autour du château à grande sonnerie de trompettes. Les écuries sont transformées en casernes. Cette débauche de luxe s’achèvera en 1750 par la mort du maréchal, décédé officiellement d’une banale congestion pulmonaire et selon la légende d’une rixe dans le parc du château avec un mari jaloux, conclusion d’une liaison tumultueuse avec la princesse de Conti. C’est la première et la dernière fois que Chambord est véritablement habité

1871, On lui offrait le trône de France, il restera Comte de Chambord

La Révolution saccage Chambord. Ayant servi quelque temps de garage aux carrosses de l’Empire, le château est offert par Napoléon, en 1809, à son fidèle Berthier, prince de Wagram. Sa veuve le met en vente. Les frais de restauration sont tels que seule une souscription nationale permet de l’attribuer, en 1821, au très jeune duc de Bordeaux, fils posthume du duc de Berry, héritier de la couronne, qui vient d’être assassiné. Cet « enfant du miracle », comme on l’a appelé, devient Henri, comte de Chambord, prétendant légitimiste au trône de France face à la branche orléaniste. Il se rendra à Chambord en 1871,à l’occasion d’un très court séjour pendant lequel il rédige son célèbre Manifeste du drapeau blanc. Une assemblée monarchiste est élue, favorable à une nouvelle restauration. La couronne est alors offerte au comte de Chambord qui, en 1873, la rejette en refusant de renoncer au « drapeau blanc d’Henri IV » pour le drapeau tricolore. Et c’est ainsi que la République s’installa définitivement en France et qu’Henri V, par son intransigeance, resta à tout jamais comte de Chambord*. Ultime clin d’œil de l’Histoire, ses héritiers, les princes de Bourbon-Parme, ses neveux choisirent lors de la Première Guerre mondiale de servir dans l’armée autrichienne. La République, bon prince et peu rancunière, acheta Chambord en 1932 et entreprit sa restauration.

*Mais soyons juste. Si le Comte de Chambord refusa le trône pour un drapeau, il fut attentif à l’entretien du château et de son parc jusqu’à sa mort en 1883. On lui doit d’avoir entrepris de grandes campagnes de restauration et c’est lui qui va ouvrir officiellement le château au public.

Dans la salle des carrosses, au rez-de-chaussée de l’aile royale, cette calèche aux armes et attributs des rois de France, ornée de branches de fleurs de lys fait partie d’un ensemble extraordinaire de véhicules hippomobiles (trois berlines, un coupé et une calèche). Ils ont été commandés par le comte de Chambord en 1871 pour son entrée hypothétique dans Paris en tant que futur roi. Ils sont restés inutilisés et dans un état exceptionnel de conservation (Photo château de Chambord)

Quand Chambord abritait les trésors du musée du Louvre et de Versailles

1939, la guerre est là. Ordre d’évacuation des principaux musées de Paris dont le Louvre est donné. Des milliers d’œuvres sont expédiées par convois vers onze châteaux et abbayes du Centre et de l’Ouest de la France dont Chambord. Il faut les protéger des bombardements et de la convoitise des nazis. Le château est fermé au public, il va abriter des milliers d’œuvres d’art sur fond d’occupation et de résistance locale. En juin 1944 y sont entreposés 4000 m3 de caisses ce qui en fait le plus important des 83 dépôts d’œuvres d’art dont La Joconde (Léonard de Vinci)*, La Liberté guidant le Peuple (Delacroix) ou La Dame à la licorne.

*Curieux de penser qu’elle fut abritée à quatre reprise dans le château de François 1er qui fut le protecteur de son peintre séjournant non loin de Chambord, au Clos Lucé à Amboise.

Très longtemps, Chambord fut le château des courants d’air

Très longtemps, le château pâtit d’être vide de toute collection. Mais il abrite aujourd’hui une riche panoplie de peintures, de tapisseries, de mobiliers et d’objets d’art grâce au partenariat avec le Mobilier national signé par Jean d’Haussonville, Directeur général du Domaine de Chambord depuis 2010. À noter le réaménagement de la chambre de François 1er, dont les copies de meubles, introuvables aujourd’hui, ont été réalisées par des menuisiers de la région. En 2017 étaient ouverts les jardins à la française. Tous les sentiers menant au château ont été redessinés selon la même technique utilisée pour la restauration des allées de Versailles.

Le logis de François 1er bâti entre 1539 et 1545. Il est situé au premier étage. La photo ne représente qu’une partie du logis royal qui a bénéficié d’un important réaménagement en 2019. Nattes de joncs aux murs et au sol, tentures flottantes et tapisseries précieuses, mobilier de voyage et objets de curiosité. Tout pour vous permettre d’imaginer l’atmosphère du château à l’occasion des séjours du roi et de sa cour (Photo château de Chambord)

Chambord, la seule commune dont le foncier appartient à l’État

II faut savoir que Chambord, outre le château, est la seule commune en France dont le foncier appartient à l’État. Créée le 21 janvier 1790, à la demande de Louis XVI, la commune, d’une superficie d’un peu plus de 54 km2 intramuros, abrite le domaine national de Chambord créé en 1930 et son château. Au dernier recensement de 2017, sa population était de 93 habitants. Le village est doté d’une mairie, d’une salle des fêtes (la Grange aux Dîmes) et d’une église paroissiale (Eglise Saint-Louis).

Chambord est la seule commune en France dont le foncier appartient à l’État. Elle possède, à l’ombre du château, sa mairie et son église paroissiale, l’église Saint-Louis (Photo © François Collombet)

Chambord, un établissement public à caractère industriel et commercial

Jean d’Haussonville Directeur général du Domaine national de Chambord et François Patriat, président du Conseil d’orientation du Domaine national de Chambord. Photo prise dans les vignes du château, près de son mur d’enceinte (Photo © François Collombet)

Sur le plan juridique, le Domaine national de Chambord est un établissement public à caractère industriel et commercial créé en 2005 dont le Directeur général est depuis 2010, Jean d’Haussonville. Il est administré par un Conseil d’administration présidé par Augustin de Romanet (Président-directeur Général des Aéroports de Paris) et par un Conseil d’orientation* présidé par François Patriat

*Son rôle est d’émettre un avis sur la politique culturelle scientifique, forestière, cynégétique et commerciale du Domaine national de Chambord et sur toute question qui lui est soumise par le président du Conseil d’administration.

Chambord en 27 dates clés

Dès le XIIe siècle, Chambord est un rendez-vous de chasse que possèdent les comtes de Blois. Sous Louis XII, le comté de Blois et le fief de Chambord sont remis à la couronne.

Avec son impressionnante façade de 231 m, Chambord n’aurait-il d’égal que Versailles ? Cette grandiose façade symétrique est flanquée de quatre énormes tours. Au centre, le donjon quadrangulaire cantonné de quatre tours d’angle. A l’intérieur, le célèbre escalier à claire-voie et à double révolution. Il se termine par une lanterne de 32 m, surplombée d’une fleur de lys. Au premier plan, les jardins à la française, restitués en 2016-2017 qui reprennent les tracés des jardins disparus au XVIIIe siècle (Photo © François Collombet)

Comment rêver Chambord ?

Où il est question de se laisser envouter par le plus énigmatique et le plus majestueux des châteaux de la Loire ; de jardins à la française financés par un milliardaire américain ; de jardins potagers en permaculture ; d’un vignoble de 14 ha dont l’originalité est un cépage local non greffé ; d’un chai qui redonne vie à une ferme adossée au mur d’enceinte du domaine ; de tonneaux entièrement faits en chênes provenant de la forêt de Chambord ; d’un domaine de 5400 ha, le plus grand parc clos d’Europe ; d’une réserve de chasse et de faune sauvage entourée d’un mur de moellon de 32 km de long. Enfin, de rêver à un dîner gastronomique en terrasse, au Grand Saint-Michel, à la lueur d’un château qu’illumine un spectaculaire couché de soleil.

Comment mieux rêver Chambord que de s’y marier ? En arrière-plan, la grande façade sud-est du château. (Photo © François Collombet)

Chambord dans l’éclat d’une belle journée d’été

Chambord resplendit ce jour-là dans tout l’éclat de sa pierre (bien qu’entaché en hauteur, par de nombreux échafaudages). Il faut dire que la journée s’annonce belle, un début d’été où la chaleur n’écrase pas trop les contours du plus fastueux des châteaux de la Loire. Chaque fois, c’est la même impression. On reste stupéfait à sa vue, pétrifié par cette sensation d’irréalité, de rêve, de magnificence. Partout, une foule bien présente, beaucoup d’enfants, d’adolescents, de groupes. On parle toutes les langues. Ici à Chambord, liberté totale dans un va-et-vient continu à monter et descendre le grand escalier (joyau du château), sans se croiser. Quel risque ? Se perdre dans les cinq-cents ans de son histoire mouvementée (et encore, rien ne s’est réellement passé dans ce palais conçu pour les plaisirs) ou mieux, s’égarer dans les centaines de salles d’un château labyrinthique (mais pas toutes accessibles).

Un plan pour s’y retrouver (DR)

Le Grand Escalier, prodige architectural

Tout serait à voir mais… Consacrons-nous donc au joyau du château, cet escalier à double révolution. C’est bien simple, il est au cœur de l’édifice : deux rampes ajourées s’enroulant l’une au-dessus de l’autre autour d’un noyau central. Une incroyable innovation due Léonard de Vinci (pourtant rien ne le prouve !). Son rôle est de desservir les étages principaux du donjon jusqu’aux terrasses. De là, il se prolonge par un étroit escalier en vis simple menant au sommet de la tour-lanterne (le point le plus haut de Chambord). Donc, tout tourne autour de cet escalier et tout s’adapte à ses dimensions. Mais le mystère est ailleurs. En fait c’est presque de la magie pour les visiteurs. Voici un escalier de parade qui permet à l’un de disparaitre en pleine ascension tandis que l’autre va chercher à le rejoindre après avoir emprunté deux volées différentes. Allez comprendre !

Au centre du château, à la croisée des grandes salles, se déploie le monumental escalier à double-révolution. Devant un tel monument, les visiteurs s’émerveillent et s’interrogent. L’escalier bénéficie d’un éclairage latéral provenant des grandes baies des salles en croix (Photo © François Collombet)
Au deuxième étage du donjon, l’une des quatre salles voûtées* disposées en croix grecque autour du grand escalier. Elles sont couvertes d’impressionnantes voûtes à caissons sculptés et entièrement ornées des emblèmes de François 1er avec salamandres et « F » couronnés. Pendant l’été 2022, elles sont le cadre (ainsi que dans les jardins à la française) d’une exposition du designer et sculpteur franco-argentin Pablo Reinoso. Il livre une œuvre protéiforme puisant dans toutes les matières (bois, pierre, air, métal). *La salle nord-ouest fut transformée en théâtre par Maurice de Saxe. (Photo © François Collombet)

Fantastique couronnement de Chambord : « une arabesque, une femme, disait Chateaubriand, dont le vent aurait soufflé en l’air la chevelure. » (Photo © François Collombet)

De la terrasse, les jardins à la française apparaissent dans toute leur dimension géométrique

Arrivé sur la terrasse, voici les toits de Chambord, une forêt de pilastres et de tourelles avec quelques 365 cheminées et 800 chapiteaux. Une ville miniature, un fantastique couronnement : « une arabesque, une femme, disait Chateaubriand, dont le vent aurait soufflé en l’air la chevelure. » Appuyé sur la balustrade, on réalise que ce célèbre escalier est le centre d’une grande perspective, longue de 4,5 km qui traverse le château du nord au sud. Devant nous, deux immenses fleurs de lys végétales emblèmes de ces jardins à la française aujourd’hui restitués. Ils avaient été commandés par Louis XIV. Ils occupent six hectares et demi au pied du château. Leur dessin a été composé et mis en place en 1734. Ils ont existé pendant plus de deux siècles. Tombés peu à peu en désuétude, ils sont finalement réduits à l’état de simples parterres engazonnés en 1970 et cela pendant plus de 40 ans.

De la terrasse, les jardins à la française recréés comme ils l’étaient deux siècles auparavant. On y dénombre 600 arbres, 800 arbustes, 200 rosiers, 15 000 plantes pour délimiter les bordures (plus de buis mais des plants de thym), 11 000 plantes vivaces et 18 citronniers en caisse. En tout, 18 000 m2 de pelouse et un réseau de 13 km d’arrosage automatique (l’eau vient du Cosson). Photo © François Collombet

Le mécénat exceptionnel d’un homme d’affaire et financier américain

Cela fait plus de 20 ans que la France n’avait pas connu un projet de restitution de jardins d’une telle ampleur, avec plus de 600 arbres, 800 arbustes, 200 rosiers, 15 250 plantes délimitant les bordures, ou encore 18 874 m² de pelouses. Coût : 3,5 millions d’€ pris en charge par un mécène américain, Stephen A. Schwarzman*.

*Stephen Allen Schwarzman (né le 14 février 1947) est un homme d’affaires et financier américain. Il est le président-directeur général de Blackstone, un fonds de capital-investissement qu’il a créé en 1985 avec l’ancien secrétaire américain au Commerce Pete Peterson. Sa fortune personnelle est estimée à 33,1 milliards de dollars en 2021, selon Forbes. En 2016, Forbes a classé Schwarzman au 113ᵉ de son classement mondial des milliardaires (Source Wikipédia).

La tour du Chaudron si discrète

La tour du Chaudron se situe à l’angle est, au pied des douves, à côté du grand portail menant aux jardins*. C’est une tour tronquée qui ne s’est jamais élevée dont le pendant n’est autre (mais en plus aristocratique !), que la tour des Princes, à l’autre extrémité. Une petite porte très discrète, un escalier en colimaçon. La direction de Chambord se réserve l’endroit pour quelques hôtes de marque qu’elle peut loger à l’intérieur du château.

A l’est et au nord, le château est bordé par des douves dont les murs de maçonnerie sont en cours de restauration. En périphérie de la plateforme de 6 ha, ils constituent un périmètre de 1,34 km datant des aménagements du jardin au XVIIIe siècle Photo © François Collombet
A l’extrémité droite de la façade sud-est, la tour du Chaudron et le portail qui donne accès aux jardins à la française. (Photo © François Collombet)
Près de la tour du Chaudron, les jardins potagers en permaculture

A quelque cent mètres de la tour du Chaudron, les jardins-potagers en permacultures. J’avais assisté à leur inauguration en 2019, lors de la célébration des 500 ans du monument. Depuis, ils ont bien poussé et se sont largement agrandis. Leur emplacement n’a rien du hasard puisqu’il existait deux potagers aux XVIIe et XIXe siècles. Le plus symbolique est celui qui occupe les anciennes écuries de Louis XIV devenue caserne de cavalerie puis haras au XVIIIe siècle et reconvertis en potagers à ciel ouvert au XIXe siècle. Aujourd’hui, profusion de fruits et de légumes biologiques cultivés selon les principes de l’agroécologie, du maraîchage bio-intensif et de la permaculture. La personne qui nous accompagne précise qu’ils ont été conçus aussi comme lieu de formation et de partage de connaissances.

Jardins en permaculture (maraîchage bio-intensif) dans les écuries du maréchal de Saxe, à deux pas du château. Le but est de constituer une ferme diversifiée conduite en agroforesterie avec maraîchage, arboriculture et élevage. Photo © François Collombet

Chambord, de la vigne au chai jusqu’au tonneau

Jean d’Haussonville, directeur général de Chambord, un verre de romorantin en main, jour de l’inauguration du chai. Photo © François Collombet

Un bon kilomètre sépare le château du chai aménagé dans l’ancienne ferme de l’Ormetrou* adossée au mur d’enceinte du domaine. Jean d’Haussonville, directeur général du Domaine de Chambord parle d’un chai à l’image de Chambord, c’est-à-dire un monument historique et éco-responsable, il n’y a pas eu de création de bâtiment mais plutôt une rénovation d’un bâtiment ancien déjà existant dans une démarche de conservation du patrimoine. A proximité, un vignoble de 14 hectares planté à partir de 2015, d’un seul tenant, exposé nord-sud sur un terroir à dominante sableuse, mélangé en sous-sol à de l’argile. Premières vendanges récoltées en 2018. Le domaine a déjà produit les cuvées 2019, 2020 et 2021. Mais, 2022 est la première année où les récoltes de l’ensemble du vignoble ont été produites (en agriculture biologique, la production doit attendre quatre ans avant d’être labellisée). Le vignoble a été planté de cinq cépages : 4 ha de romorantin, 4 ha de pinot noir, 3 ha de sauvignon, 2 ha d’orbois et 1 ha de gamay. Le choix de ces cépages s’est fait évidemment en fonction du cahier des charges des deux appellations voisines. Ainsi, l’AOP Cheverny demande pour son vin rouge, un assemblage de pinot noir et de gamay (84 % pinot noir et 16 % gamay) et pour son vin blanc, 60 % de sauvignon et 40 % d’orbois. Quant à l’AOP Cour-Cheverny, elle a la particularité d’être en mono-cépage, exclusivement romorantin. (Tous ces vins peuvent être dégustés et achetés dans les boutiques du domaine ou possibilité de les commander par la Boutique en ligne).

*La ferme de l’Ormetrou a été choisi pour être le site du nouveau chai. Les anciens plans de Chambord montrent une parcelle de vigne sur ses terres et les archives attestent, en 1787, un clos de dix arpents (6 ha) plantés en bon complans d’auvergnat blanc et rouge franc, noms donnés à plusieurs cépages notamment dans l’orléanais et la Touraine ; l’auvernat blanc étant le nom du chardonnay et l’auvernat noir, celui du pinot noir.

Ces chênes de Chambord dont on fait des tonneaux

Depuis 2018, Chambord a lancé une fabrication de tonneaux entièrement faits en chêne de sa propre forêt ; une forêt entièrement classée au titre des monuments historiques. C’est ainsi qu’une édition limitée de fûts de chêne de haute qualité est proposée chaque année. La fabrication et la chauffe des fûts est assurée par la tonnellerie Cadus en Bourgogne. Le chêne de Chambord est fendu en merrain à la main dans les règles de l’art et maturé deux ans à l’air libre au cœur du domaine.

La ferme de l’Ormetrou en juillet 2022, aménagée en chai du domaine de Chambord, à proximité des vignes. Le site comprendra également gîte et chambres d’hôtes afin de faire de Chambord une destination oenotouristique. Une salle de dégustation est entrain d’être aménagée dans l’ancienne maison d’habitation (Photo © François Collombet)
Inauguration du chai de Chambord le 4 juillet 2022. Se tenant à droite de Jean d’Haussonville, Henry Marionnet, célèbre vigneron qui implanta en 2015 à Chambord, un cépage local non greffé, le romorantin. Photo © François Collombet
Ces cuves en inox thermorégulées du nouveau chai auraient sans doute inspirées Léonard de Vinci, celui dont le génie plane sur Chambord. Photo © François Collombet
Depuis 2018, Chambord a lancé une fabrication de tonneaux entièrement faits en chêne de sa propre forêt. Photo © François Collombet

A la découverte du parc de Chambord

Avec 5440 ha, le Domaine national de Chambord est tout simplement le plus grand parc clos de murs d’Europe. Il abrite une flore et une faune exceptionnelle. Il est recouvert à 79 % de forêt (soit environ 4300 ha), en majorité plantée de chênes, mais aussi de pins. Dès la construction du château, François 1er acquiert les terres agricoles jouxtant le massif forestier de Boulogne au nord de la rivière Cosson pour constituer un parc de plus de 2500 ha. En 1645, Gascon d’Orléans, frère du roi Louis XIII augmente la surface du domaine et fait achever la construction du mur d’enceinte (32 km). Le parc est aujourd’hui inscrit au réseau Natura 2000, dont l’objectif principal est la préservation de la biodiversité.

Chambord, réserve nationale de chasse et de faune sauvage

Cette réserve fut créée en 1947 pour repeupler la France en grand gibier. Aujourd’hui, Chambord est un lieu de référence pour la connaissance des grands ongulés sauvages grâce à un programme scientifique stratégique. C’est aussi le seul lieu en France alliant une surface suffisamment vaste pour préserver le comportement naturel des grands animaux et un mur qui empêche leurs entrées et sorties. Les agents forestiers spécialistes de la faune sauvage, rompus aux techniques du panneautage (capture d’animaux vivants), recueillent et conservent des données sur les cervidés depuis des décennies. Cette combinaison de facteurs permet un suivi historique des populations de grands animaux (Source Domaine national de Chambord)

Vers la ferme de la Guillonnière en plein coeur du parc forestier

Visite guidée en véhicule tout-terrain jusqu’à la ferme de la Guillonnière au cœur du domaine forestier de Chambord (dans la partie habituellement fermée au public) ; une ancienne ferme réaménagée en relais de chasse avec à proximité, un mirador pour l’écoute du brame des cerfs en septembre-octobre.

Avant de pénétrer profondément dans l’immense forêt de Chambord, un regard avant la nuit sur cette façade nord qui défie l’imaginaire. Photo © François Collombet
Arrivée à la ferme de la Guillonnière en plein coeur de la plus grande forêt européenne close où les animaux vivent à l’état sauvage. Notre guide la connaît comme sa poche ainsi que la biodiversité de ce territoire unique. Photo © François Collombet
Ferme de la Guillonnière, salle des trophées où sont organisés les déjeuners de chasse. Photo © François Collombet

Dîner avec vue sur le château dans la douceur d’une nuit d’été

Une grande terrasse, une vue de rêve sur le château, c’est Le Grand Saint-Michel (qui a repris le nom de l’ancien lieu), restaurant gastronomique du Relais de Chambord (****)*. Le jeune chef, Alexandre Trazeres met à l’honneur les produits locaux et notamment fruits et légumes venant du potager de Chambord. Voir tranquillement décliner le jour alors que la façade du château se pare des derniers rayons du soleil et partager un dernier verre, un chinon 2016 d’Olga Raffault, que demander de mieux !

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Un cocktail, un dîner sur la grande terrasse du restaurant Le Grand Saint-Michel, avec vue sur le plus féérique château du monde. Photo © François Collombet
Que diriez-vous de ce traditionnel mille-feuille à la vanille de Madagascar avec chutney de fruit rouge et crème glacée au foin (pour deux !). Photo © François Collombet
Hôtel Le Relais de Chambord**** entièrement rénové en 2018 par le célèbre architecte français Jean-Michel Wilmotte est situé à cinquante mètres du château. Cet hôtel 4 étoiles, abrite 55 chambres et suites dont quinze avec une vue exceptionnelle sur le château et les jardins à la française et dix-huit avec vue sur la rivière du Cosson. Photo © François Collombet
Le soleil décline sur la grande façade nord du château de Chambord. Photo © François Collombet
La nuit est tombée, le château s’illumine d’une féérie de lumière. Photo © François Collombet