Un géant du Val de Loire
Quel château ! Brissac, avec ses façades monumentales et ses 7 étages se targue d’être le plus haut château de France (après Chambord). Puissiez-vous imaginer qu’avant la Révolution (1793), s’ajoutaient aux quarante-huit mètres de la tour principale, les cinq mètres d’un campanile et les quatre mètres d’un Mercure de bronze. Oui, c’est un véritable géant, un géant du Val de Loire !
Au premier regard, une allure de forteresse édifiée dès le XIe siècle par Foulques Nerra III comte d’Anjou (de 987 à 1040) mais profondément remanié à la Renaissance…
I/ Brissac, cinq siècles : quelle histoire et quelle famille !
Avant de faire connaissance avec la famille Cossé-Brissac, laissez-moi vous introduire dans un fascinant château habité par la même famille depuis 1502. C’est son histoire qui transcende ce récit : 14 ducs de Brissac, 4 maréchaux, des pairs de France, des gouverneurs, des lieutenants généraux, trois évêques, un conspirateur, un libertin sans oublier quelques favorites, Agnès Sorel, Diane de Poitiers, la duchesse d’Etampes, la marquise de Pompadour, Jeanne du Barry*.
*Ah le malheureux huitième duc de Brissac ! Louis Hercule de Cossé, dernier gouverneur de Paris, colonel de la garde suisse et dirigeant au début de la Révolution de l’éphémère garde constitutionnelle du roi. Il est arrêté au palais des Tuileries en 1792. Il meurt avec 44 autres prisonniers massacrés par des émeutiers lors des événements du début de la Terreur. Il avait été l’amant pendant 12 ans de la comtesse du Barry après la mort (évidemment !) de Louis XV. Sa tête guillotinée fut jetée par la fenêtre dans le salon de l’ancienne maîtresse royale (guillotinée elle aussi), à Louveciennes. Quant au château du duc, il est mis à sac par les révolutionnaires, réquisitionné et transformé en cantonnement pour les « Bleus » de Vendée. Quoique restitué à la famille après la Révolution, il restera dans cet état jusqu’en 1844, où un programme de restauration sera entrepris.
“Si je n’étais dauphin, je voudrais être Brissac“
« Si je n’étais dauphin, je voudrais être Brissac », aurait dit le fils de François Ier, futur roi Henri II, en 1542 à Charles Ier de Cossé nommé maréchal de France*. Il fut le premier de la lignée. Et quel compliment ! L’historiographe Mézeray (1610-1683) écrivit qu’il était « le seigneur le plus aimable et le plus aimé de Diane de Poitiers ». Alors si proche des rois, pas étonnant que Brissac croisera plusieurs fois l’Histoire de France. Le château fut même le cadre d’une réconciliation royale !
*Le dauphin le nomma pour sa bravoure au siège de Perpignan (très courte invasion du Roussillon et siège de Perpignan par le Dauphin de France en 1542). Le comté catalan faisait alors partie du royaume espagnol et de l’empire mondial de Charles Quint, l’ennemi de François 1er.
“Assez de folie !”. Les travaux sont arrêtés net
Parlons architecture de ce “château neuf à demi construit dans un château vieux à demi détruit”. Un enchevêtrement de deux styles de toute évidence ! Il est l’oeuvre de Charles 2, premier duc de Brissac. Il entreprit la reconstruction du château sous Henri IV et Louis XIII. Rien ne semblait alors trop beau. Un orgueil démesuré : 7 étages ce qui en fit le château le plus haut du royaume. Alors pourquoi ce côté inachevé ? Il est dû à un arrêt brusque des travaux : “Assez de folies” ordonnait François de Cossé, son fils deuxième duc de Brissac, effrayé par les dépenses. Il fit cesser sur-le-champ tous les travaux. Aussi, l’édifice est-il resté tel que les ouvriers l’ont abandonné à la mort de Charles II, en 1621. Et c’est ainsi que les deux tours vouées à la démolition subsistèrent, tandis que l’aile droite ne sera jamais construite et voilà pourquoi la porte d’entrée n’est pas au centre de la façade.
Une autre folie, ce théâtre de 200 places mais amplement financé !
Dans ces 204 pièces du château (dont une bonne partie est ouverte à la visite), il existe tout là-haut un lieu mythique, un incroyable théâtre de 200 places, une folie “lyrique”, tendu de rouge et doré à la feuille. C’est sur cette scène que chanta avec un réel talent, Jeanne Say, marquise de Brissac.
La passion de la marquise pour l’opéra et sa vocation de cantatrice
Il s’agissait souvent d’oeuvres qu’elle composait elle-même. Et sans complexe, elle pouvait tenir les grands rôles d’opéras et d’opérettes. Ainsi interpréta-t-elle avec ses amis, professionnels et amateurs, des œuvres de Wagner, Gounod, Massenet, Saint-Saëns, Donizetti, Offenbach. Talentueuse certainement mais surtout richissime ! Elle était l’aînée des petites-filles de Louis Say qui bâtit une fortune colossale dans le sucre. A 22 ans, Jeanne de Brissac* perdait en 1871, son mari, le marquis Roland de Cossé, lors de la défaite de Sedan (pendant la déroute dans le Jura de l’armée du général Bourbaki). Son beau-père, Timoléon de Cossé, 10e duc de Brissac ne pouvant plus assumer l’entretien du château lui en fit don. Le théâtre qu’elle contribua à édifier fut son hobby. A partir de 1890, va défiler à Brissac tout ce qui compta de talentueux et de célèbre dans le milieu artistique de la capitale. Elle habitait un hôtel particulier place Vendôme mais le château lui permettait de chanter et de se produire dans son propre théâtre. Chaque année, “les Séries d’automne du Château de Brissac” très réputées étaient animées par un orchestre venu de Paris. Une carrière musicale qui s’acheva en 1916 par sa mort deux ans avant l’armistice.
*On doit à Jeanne Say, marquise de Brissac (en secondes noces, vicomtesse de Trédern) non seulement la création du théâtre mais également la rénovation des intérieurs du château : salons, salle à manger, chambres… Voir dans le foyer du théâtre, la vitrine retraçant sa vie.
Parmi les quelque 204 pièces du château
Laissons la description des pièces “maitresses” à Pierre de Cossé 12e duc de Brissac de 1944 à 1993 (mémorialiste et industriel dans le groupe Schneider) : la Chambre du Roy, où couche ordinairement Monseigneur le duc de Brissac, le Salon Doré, la Chambre des Demoiselles, l’Appartement des Métamorphoses, la Chambre de Monsieur le Marquis, ouvrante (sic) au-devant de la chapelle, celle de feu Monsieur le Duc, la Grande Galerie des Portraits de la Maison de Cossé, l’Appartement de la Belle Judith, la Chambre des Philosophes, l’Appartement des Princes de Danemark, la Chambre d’Epicure…
A chaque château, son fantôme
Serait-ce le fantôme de Charlotte de Valois, surnommée « la Dame verte » ? Elle hanterait la chambre du roi Louis XIII. S’il arrive au duc Charles-André de Cosse-Brissac, de passer quelques nuits seul (mais avec son chien !) dans son immense château, aucune vision fantomatique. Pourtant l’existence de cette Charlotte de Valois est dramatiquement réelle. La réalité historique est la suivante : Pierre de Brézé acquiert le château en 1435 qu’il va reconstruire. C’est un fidèle du roi Charles VII. En protégeant le roi, il est tué lors de la bataille de Montlhéry. Son fils Jacques de Brézé hérite du château où il s’y installe avec sa femme, Charlotte de Valois née en 1446. Elle est la fille de Charles VII et d’Agnès Sorel (première favorite officielle d’un roi de France). De cette union va naître Louis de Brézé qui épousera Diane de Saint-Vallier dite Diane de Poitiers. Mais le scandale n’est pas là. Charlotte de Valois a une liaison avec un ami de son époux. L’apprenant, Jacques de Brézé fou furieux surprend les amants et les transperce de son épée*. C’était le 1er juin 1477. Depuis, la légende prétend qu’elle apparaîtrait sous forme d’une dame blanche (verte !) quelque part dans le château, les nuits d’orage.
*Quand le crime institue une dynastie ! Ainsi pour prix de son crime passionnel, Jacques de Brézé doit verser à la Couronne 200 000 écus d’or. Il est alors contraint de vendre Brissac en 1502 à René de Cossé, gouverneur de l’Anjou. Ainsi va l’histoire !
Ce château qui a donné son nom à l’AOP Anjou-Villages-Brissac
Du château, pour atteindre les vignes, il faut franchir le petit pont qui enjambe l’Aubance, ce gros ruisseau qui donne à l’Anjou, l’un de ses meilleurs vins liquoreux. Ne manquez à aucun prix la vision de ces brouillards de l’automne qui s’élèvent de l’Aubance pour aller napper le vignoble. Ce sont eux qui apportent au chenin, grand cépage ligérien sur les Coteaux de l’Aubance (célèbre AOP), son secret, la pourriture noble. Avec la chaleur de la journée, les raisins vont se ratatiner en se concentrant en sucre. Résultat, des vins quasi éternels. Mais ici, les 28 ha de vignes du château, dont une parcelle surmonte les grandes écuries* donnent un joli vin rouge issu du cabernet franc et du cabernet sauvignon sous l’appellation éponyme Anjou-Villages-Brissac. A noter que l’élevage se fait en partie en barriques fabriquées à partir des chênes centenaires provenant de la forêt de Brissac.
*Des écuries développées par un passionné du cheval que fut le 13e duc de Brissac, Eugène-François de Cossé décédé en 2021.
Un mausolée, ce temple néo-classique pour le repos des ducs de Brissac
D’une résidence familiale à l’autre (si on peut dire) ! Non loin des “vignes du seigneur” sur les hauteurs du parc, un surprenant mausolée de style néo-classique construit durant le premier Empire. Petit temple d’un blanc immaculé, il est classé au titre des Monuments Historiques depuis 1991. Il abrite les sépultures de tous les ducs et duchesses de Brissac.
II/ Bienvenu chez le 14e duc de Brissac dans son château familial
Ce château de Brissac avec ses sept étages et ses 204 pièces* soit l’équivalent de 8000 m2, est depuis plus de cinq siècles occupé par la même famille, les Cossé -Brissac. Le 26 mai 1502, avait eu lieu l’achat de la seigneurie de Brissac par un gentilhomme angevin, René de Cossé. Son dernier représentant, le 14e duc de Brissac, Charles-André de Cossé-Brissac est assis souriant sur la margelle du puits, à l’entrée de son château.
Il est en charge du château depuis 1988
Un château familial dont il a la charge depuis 1988. Il avait à peine 30 ans. Il en a hérité lors de la donation-partage en1998 : J’ai repris Brissac en 1986 et, très vite, les projets se sont enchaînés, aussi bien dans le parc, la restauration des façades et des toitures, ou dans le réaménagement des intérieurs se rappelle Charles-André alors qu’il n’est encore que marquis. Mais c’est à la mort de son père, Eugène-François de Cossé, duc de Brissac décédé en 2021 qu’il héritera du titre et deviendra le 14e duc de Brissac. Chez les Cossé-Brissac, on est duc de père en fils, frère ou cousin selon une règle de primogéniture masculine depuis la création du titre en 1611.
Fils d’un duc et d’une théologienne
Charles-Henri est le fils aîné du treizième duc de Brissac et de la duchesse, née Jacqueline de Contades, une théologienne spécialiste de saint Augustin. Il disait alors qu’il n’était que marquis : vous allez pénétrer dans un château en vie qui a une âme. Une maison où tout est grand, et où vit (vivait) une famille à plein temps (dans un appartement confortable aménagé au deuxième étage du château). Charles-Henri a épousé à Vienne le 25 septembre 1993 la comtesse Larissa Széchényi de Sárvár-Felsövidék, danseuse au Royal Ballet de Londres. Il ont eu 4 enfants : le comte László de Cossé-Brissac (1994), sans doute futur 15e duc de Brissac, Irina de Cossé-Brissac (1996), mariée depuis 2022 au comte Jean de La Garde ; Delia de Cossé-Brissac (1998) mariée en 2021 au prince Marc Emmanuel de Croÿ et Annabel de Cossé-Brissac (2002).
Son père, François de Cossé, 13e duc de Brissac, un passionné d’équitation
Le père de Charles-André, François de Cossé, duc de Brissac (1993-2021) était un passionné d’équitation. On lui doit le développement des écuries et d’un centre d’entraînement pour les chevaux de course dans le parc du château. Il était lui même compétiteur chez les amateurs (les gentlemen riders). Il était aussi président d’honneur du jockey-club et aussi Grand Maître émérite des Hospitaliers de Saint-Lazare ainsi qu’ancien vice-président de la Demeure historique. Il deviendra en 1993, le 13e duc de Brissac (après le décès de son oncle, le marquis Roland de Brissac mort en 1936). Sa naissance en 1929 se situe loin de l’Anjou, au Creusot, château de la Verrerie (à côté des usines sidérurgiques), sur les terres de son grand-père maternel, Eugène Schneider, célèbre industriel et homme politique français ; le dernier “maître de forges” qui dirigeait les usines du Creusot (constructions mécaniques et armement).
Il apporte au château le confort du XXe siècle
Lorsque François de Cossé se marie en 1958 avec Jacqueline de Contades, le couple s’installe en Anjou dans le château dont il a hérité mais encore très inconfortable. Il n’y avait pas l’électricité dans toutes les pièces, pas d’eau courante, ni de chauffage. Ils vont sortir le château de Brissac du XIXe siècle. Le duc y adorait organiser des réceptions. Il avait créé également des chambres d’hôtes. Charles-André va donc naître en 1962 mais à Paris. Le couple eut cinq enfants : Agnès, Charles-André, Angélique, Marie-Antoinette et Pierre-Emmanuel.
Son grand-père, Pierre de Cossé, 12e duc de Brissac est le gendre d’Eugène Schneider, célèbre “maître de forges”
Pierre, douzième duc de Brissac (petit-fils de la célèbre duchesse d’Uzès) épousait en 1924, May Schneider, fille d’Eugène Schneider (petit-fils du fondateur des aciéries du Creusot). Pierre était un polytechnicien. Il fit toute sa carrière, comme brillant ingénieur dans les usines de son beau-père. Avec une pointe d’émotion, Charles-André (son petit-fils) aime raconter qu’Eugène Schneider avait donné un jour de congés payés à ses salariés et employés pour fêter la naissance de son père François en 1929 (futur 13e duc de Brissac). Il était son tout premier petit-fils.
Pierre de Cossé-Brissac à la tête de l’empire Schneider
En 1935, Pierre de Cossé-Brissac prenait la tête des mines de Schneider et devint en 1939 directeur général de la société Schneider-Westinghouse. Serait-il également un homme de lettres, un historien ? Alors qu’il a le titre de duc depuis 1944, il publiera des ouvrages d’histoire, de vénerie, des récits de voyages et une chronique du XXe siècle en 4 volumes. Dès les années 1930, il ouvrait le château à la visite. On lui doit également d’avoir su protéger à Brissac, les collections publiques des musées nationaux. Elles furent mises à l’abri des bombardements lors de la Seconde Guerre mondiale. Une partie était constituée de l’extraordinaire collection de Nissim de Camondo venue du musée éponyme à Paris nouvellement inauguré.
Sa grand-mère, May Schneider une femme libre !
Cette héritière de l’industrie est une aubaine pour Brissac. Et pourtant ! On rapporte qu’en 1923, lors d’une visite au château de Brissac avec ses parents, May Schneider si elle admire le lieu, se rend compte de la presque impossibilité de restaurer un édifice aussi massif et aussi peu agencé : ” Voilà une famille où je n’épouserais pas l’aîné ! “. Réaction pleine de bon sens puisqu’elle épousa le cadet, Pierre de Cossé en juin 1924 l’un des fils de François de Cossé (11e duc de Brissac). Mais rien n’arriva comme prévu. En 1936, son frère aîné, Roland de Cossé, marquis de Brissac décédait à l’âge de 38 ans faisant de Pierre, l’héritier du château et futur 12e duc de Brissac. May va donc prendre le relai de la richissime Jeanne Say, marquise de Brissac, celle qui après les importants dommages à la suite de la Révolution avait entreprit la restauration du château à la fin du XIXe siècle.
Une ombre au tableau
May (1902-1999) avait une passion pour l’art et la culture. Le couple résidait alors au Château de La Celle à La Celle-les-Bordes (dans les Yvelines). Elle organisait de nombreuses soirées élégantes, invitant des artistes, des écrivains et des musiciens. Leur salon était un lieu de rencontre pour les esprits créatifs de l’époque. Ils eurent trois enfants : Marie-Pierre de Brissac* (mariée avec Simon Nora puis Maurice Herzog), devenue écrivaine. Elvire de Brissac (également écrivaine) et François de Cossé-Brissac, qui deviendra le 13e duc de Brissac.
*Marie-Pierre de Brissac serait la fille (officiellement) de Pierre de Cossé, duc de Brissac, et de son épouse, May Schneider. Elle serait en réalité la fille naturelle de Paul Morand auquel elle ressemble fortement.
Compromis sous l’occupation
Sous l’Occupation, le couple mène une vie mondaine dans son hôtel particulier parisien du cours Albert-Ier. Il y reçoit le Tout-Paris de la collaboration : Arletty, Sacha Guitry, Coco Chanel, Paul Morand (l’amant de May depuis les années 1930), Josée Laval (la fille de Pierre Laval), meilleure amie de May ou encore Pierre Drieu la Rochelle. En 1944, May sera arrêtée sous l’accusation de collaboration mondaine. Mais aucune charge spécifique ne sera finalement retenue contre elle.
III/ Très brève histoire du château de Brissac
Le château de Brissac, un cadeau royal
L’histoire de Brissac commence bien avant le château qui nous apparaît aujourd’hui. A l’origine, la propriété appartient à Pierre de Brézé, grand sénéchal de Normandie, qui fut ministre de Louis XI et de Charles VII. Il est l’homme des coups de main de Louis XI. Il pose la première pierre de son château en 1455 sur les ruines d’une forteresse du Xe siècle, appartenant à Foulque Nerra III comte d’Anjou (qualifié de pillard et de paillard). Son fils Jacques de Brézé, comte de Maulévrier, obtient de Charles VII la main de sa fille Charlotte, née de ses amours avec Agnès Sorel, première favorite officiellement reconnue d’un roi de France.
Un crime passionnel !
Mais, ayant surpris son épouse en flagrant délit d’adultère, il la tue et, pour prix de son crime passionnel, doit verser à la Couronne 200 000 écus d’or. Il est contraint de vendre Brissac en 1502 à René de Cossé, gouverneur de l’Anjou, grand fauconnier, dont un ancêtre s’est illustré aux côtés de Philippe Auguste en 1180. Son petit-fils Charles de Cossé, comte de Brissac, est en 1594 chef de la Ligue des catholiques, derrière les Guise. Paris, tout acquis aux Guise, n’a jamais aimé Henri III qui accorde trop de concessions aux protestants.
Paris vaut bien une messe !
Aussi, lorsqu’Henri III tombe, en 1589, sous le poignard de Jacques Clément, Paris exulte. Paris a pour gouverneur Charles de Cossé. Ce dernier évitera la ruine de la ville en remettant les clés à l’ex-chef de l’armée huguenote, Henri de Navarre, qui vient de se convertir au catholicisme (« Paris vaut bien une messe ! ») pour être sacré roi de France, en 1594, sous le nom d’Henri IV. Reconnaissant, Henri IV nomme le comte de Brissac duc et maréchal de France, lui octroyant un million et demi de livres. Avec cette somme, il peut reconstruire le château que son grand-père lui a légué.
« Un château neuf à demi construit dans un château vieux à demi détruit. »
Le nouveau château se bâtira tout en hauteur, une hardiesse rare à l’époque ! Jacques Dangluze engagea une légion d’artistes et d’artisans et se mit à l’œuvre, dès l’année 1606. C’est lui qui fera appel à l’architecte Jacques Corbineau pour abattre la structure féodale et édifier l’étonnant pavillon central de 43 mètre de haut. Avec un sens incroyable du décor, il superposa des colonnes et des pilastres de styles toscan, dorique, ionique, corinthien et composite. Du château-forteresse des Brézé, il ne reste aujourd’hui que les deux imposantes tours. Il avait été à moitié ruiné lors des guerres de Religion, pris et repris par Ligueurs et Royalistes. Le roi de Navarre lui-même (futur Henri IV) l’avait assiégé.
IV/ Fait d’histoire : Brissac voit la réconciliation de Louis XIII avec sa mère, Marie de Médicis
Baisers de dupe d’une reine vaincue
Jeudi 13 août 1620. louis XIII tout jeune roi de 19 ans, est, depuis la veille, dans le château du maréchal duc de Brissac. il attend sa mère, Marie de Médicis, pour une énième tentative de réconciliation. cette femme, belle, décrite par ses contemporains d’humeur querelleuse et acariâtre, arrive humiliée et vaincue. Elle a comploté contre le roi, son fils, et elle a perdu. A 4 h 15 de l’après-midi, le roi impatient se porte à cheval au-devant d’elle. Premières embrassades, froides et brèves, renouvelées devant le château. Leur séjour à Brissac se prolongera cinq jours.
Une réconciliation toute provisoire
En 1620, le château connaît un intermède historique : la réconciliation de Marie de Médicis avec son fils Louis XIII. Marie de Médicis, veuve d’Henri IV nommée régente depuis 1610, gouverne la France sous l’influence de Concini, un aventurier italien promu maréchal de France. Lorsque le jeune Louis, devenu roi, fait assassiner Concini, sa mère ne lui pardonnera pas.
La déroute de la reine
C’est le cardinal de Richelieu qui négociera et obtiendra pour Marie de Médicis le gouvernement de l’Anjou. Pour réduire la rébellion, Louis XIII prend la tête, le 7 juillet 1620, d’une armée de 7000 hommes en direction de l’Anjou. La confrontation aboutit à la déroute de la reine et à son arrivée à Brissac. Pour une réconciliation toute provisoire. Cette première moitié du XVII” siècle fut le temps de la magnificence et des fêtes à Brissac. L’opulence des Cossé de l’époque était légendaire.
V/ Un château dans les vignes, un château où coule un souterrain en eau
Un vignoble illustré par l’AOC/AOP Anjou Villages Brissac et son emblématique Château des Cossé
On est dans la douceur angevine sur les bords de l’Aubance, petit affluent de la rive gauche de la Loire. Son cours favorise en octobre la pourriture noble du chenin (cépage blanc) grâce aux brouillards matinaux. Il offre à l’Anjou, à l’instar du Layon, quelques uns de ses grands vins liquoreux. Mais pas seulement. Ici, l’Aubance qui borde en contre-bas l’immense parc paysagé du château apporte ses bienfaits au 28 ha de vignes ; une tradition dans la famille des Cossé de détenir un vignoble illustrée aujourd’hui par une AOC/AOP Anjou Villages Brissac avec l’emblématique Château des Cossé*. C’est un vin rouge charpenté et tannique aux arômes de réglisse, de fruits rouges et noirs, issus du cabernet franc (le breton) et du cabernet sauvignon ; des vins élevés dans les barriques fabriquées à partir de chênes centenaires du domaine.
* La famille Cossé-Brissac a confié l’exploitation de son vignoble aux Caves de la Loire (coopérative créée en 1951 à Brissac) pour produire des vins dans la philosophie de la devise du château : Virtute Tempore (du Courage et du Temps).
Sous le château et son parc, coule un souterrain en eau
Construit au XVIIIe siècle et long de 250 m, le bief de Brissac est un souterrain en eau. Un ingénieux ouvrage civil permettant de dériver les eaux de l’Aubance en cas de crue lors de sa traversée du parc, afin d’éviter que ne soient inondés les parterres. Complètement envasé, le souterrain a été réhabilité dans les années 2000. La voûte en schiste est la voûte originelle, datant du XVIIIe siècle. L’entrée se trouve en contre-bas du château.
Petit-déjeuner à l’entrée du château ou une nuit sous les ors de la maison du duc de Brissac
Début de journée sous un beau soleil de printemps. Une pause petit-déjeuner avant une magistrale dégustation des vins de Loire (sélectionnés par Inter Loire) dans la cours intérieure du château. Belle entrée en matière avant de se plonger dans les cinq siècles d’histoire de ce géant du Val de Loire.
Une nuit au château chez les ducs de Brissac
Fief des ducs de Brissac depuis le 26 mai 1502, cette demeure ancestrale offre l’hospitalité à ses hôtes. Chaque pièce du château possède un mobilier précieux et jouit d’une vue remarquable sur le parc, agrémenté de bosquets d’étangs et de prairies.
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