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Cathédrale Notre-Dame de Chartres, une cathédrale qui possède trois façades et neuf portails (autrefois entièrement peints). Photo © François Collombet
Cathédrale Notre-Dame de Chartres, une cathédrale qui possède trois façades et neuf portails (autrefois entièrement peints). Photo © François Collombet

Deux élégantes flèches dissemblables vues de partout

Cathédrale de Chartres, deux élégantes flèches dissemblables dominant une toiture de cuivre vert-de-grisé. Photo © François Collombet
Cathédrale de Chartres, deux élégantes flèches dissemblables dominant une toiture de cuivre vert-de-grisé. Photo © François Collombet

I/ L’actualité de Chartres avant sa grande histoire !

Avant d’entreprendre la fascinante histoire de cette cathédrale, remontons l’actualité jusqu’à septembre 2024, célébrant le millénaire de la crypte et l’ouverture aux visiteurs du trésor de la cathédrale. Il est maintenant mis en lumière dans la chapelle Saint-Piat entièrement restaurée.

L’une des plus grandes créations de la sculpture religieuse

Mais arrêtons nous d’abord devant un autre joyau, l’une des plus grandes créations de la sculpture religieuse de la première moitié du XVIe siècle : le tour du chœur. En 1510, le chapitre de la cathédrale, l’un des plus nombreux, des plus puissants et des plus riches de France, décidait d’édifier une clôture en pierre en remplacement de celle en bois. Cette clôture a fini d’être restaurée en 2022 après 7 ans de travaux.

Chef d’oeuvre absolu, ce tour de chœur qui vient d’être restauré

Outre la magnificence de cette architecture gothique élevée à Chartres à partir de 1194, de la sculpture ou de l’exceptionnel ensemble de quelques 150 baies fermées par des vitraux, la plupart des XIIe et XIIIe siècles, il existe un autre trésor : le tour de chœur venant enchâssé le chœur. Il comprend quarante scènes insérées dans de la dentelle de pierre. Elles illustrent la vie de la mère du Christ.

Scènes inspirées de La Légende dorée

Ces scènes sont en partie inspirées de récits apocryphe (ne faisant pas partie du canon chrétien) diffusés au XIIIe siècle par La légende dorée* de Jacques de Voragine (dominicain, archevêque de Gênes) et après 1511, par les estampes d’Albrecht Dürer. C’est l’une des rares clôtures subsistantes en France.

*La Légende dorée raconte la vie de 160 saints avec les histoires merveilleuses qui les entourent, les miracles et les martyres. Elle fut le livre du peuple et devint avec la Bible, le livre le plus copié et le plus lu des pays de la chrétienté ; un livre qui s’adresse directement aux laïcs avec simplicité et clarté. Sans doute, une amorce de la Renaissance !

Cathédrale Notre-Dame de Chartres, le “tour du chœur” scène de gauche : Entrée du Christ à Jérusalem. Photo © François Collombet

Une incroyable horloge astronomique dans le tour du chœur

Dans le tour du chœur, la très exceptionnelle horloge astronomique.

Le somptueux trésor de Chartres enfin visible !

Voici une raison de plus de retourner à Chartres : voir son extraordinaire trésor ! Connu par des inventaires depuis 1322, c’est l’un des trésors les plus emblématiques de France. Il est à nouveau en lumière au cœur de la chapelle Saint-Piat qui vient d’être restaurée. 150 objets ou ensembles d’objets dédiés à la célébration et à l’ornement du service divin et d’œuvres précieuses sont magnifiquement présentés dans la chapelle haute, la salle capitulaire et les deux tourelles du XIVe siècle.

Quand la cathédrale de Chartres nous ouvre son fabuleux “Trésor” – amazed

Premier trésor, cette vierge à l’enfant

Premier trésor, cette Vierge à l'Enfant à l'entrée de la chapelle Saint-Piat en pierre calcaire polychromée du milieu du XVIe siècle. Photo © François Collombet
Premier trésor, cette Vierge à l’Enfant à l’entrée de la chapelle Saint-Piat en pierre calcaire polychromée du milieu du XVIe siècle. Photo © François Collombet

Quand Chartres fête le millénaire de sa crypte

Quel plus bel hommage que cette exposition du trésor pour la célébration du millénaire de la crypte édifiée par l’évêque Fulbert (XIe siècle). Elle fut préservée sous la cathédrale gothique dont elle servi de fondations. Dans cette crypte, tout est exceptionnel, ses dimensions de plus de 220 m de long et son état de conservation.

Dans cette crypte de “Fulbert”, tout est exceptionnel, ses dimensions de plus de 220 m de long et son état de conservation. Photo © Véronique Hamel
Dans cette crypte de “Fulbert”, tout est exceptionnel, ses dimensions de plus de 220 m de long et son état de conservation. Photo © Véronique Hamel

La crypte “Fulbert” véritable église d’une dimension exceptionnelle

Cette crypte, on la doit à Fulbert remarquable professeur, grand savant et musicien qui fut nommé évêque de Chartres en 1006 par Robert le Pieux. En 1020 il décidait juste après l’incendie de la précédente et d’une bonne partie de la ville (dans la nuit du 7 au 8 septembre), la fondation d’une nouvelle cathédrale et de l’église basse (la crypte actuelle), toutes les deux consacrées à la Vierge. En 1024-1025, les travaux sont achevés. Mais la cathédrale de Fulbert au-dessus était dépourvue de transept.

La plus grande église souterraine médiévale

Tout reposait alors sur l’importance de son église basse et de son vaste déambulatoire. Sa vocation était de recevoir les milliers de pèlerins venant se recueillir devant le voile de Marie (la Sancta Camisa) offert en 876 par le roi Charles le Chauve. Pour cela, Fulbert conçut la plus grande église souterraine médiévale ce qui est jusqu’à ce jour l’une des plus grandes cryptes du monde (après celle de Saint-Pierre de Rome). Il s’agit d’un très long corridor, une structure romane avec voûte en berceau de 220 m reliant la tour nord et la tour sud.

L’autel de la chapelle Notre-Dame de Sous-Terre est un bloc massif de pierre de Bergère. La statue que l’on voit date de 1976, copie fidèle de la statue médiévale brûlée au Moyen Âge. Photo © Véronique Hamel

La cathédrale gothique qui se superpose à la crypte romane

La nouvelle cathédrale gothique, édifiée entre 1194 et 1226 devait se superposer à la crypte romane. On peut voir dans la partie la plus profonde de la crypte (la crypte Saint-Lubin), des vestiges gallo-romains traces les plus anciens de la cathédrale. Aujourd’hui, le visiteur y croisera Notre-Dame de Sous-Terre, l’une des statues dédiées à la vierge parmi les plus importantes de la cathédrale.

Un puits d’une profondeur de 35 m

On y voit aussi le puits des Saints-Forts dont l’origine est très ancienne (sa base carrée rappelle les anciens puits celtiques). Il a une profondeur de 35 m. De nombreuses chapelles où peintures murales témoignent également de la richesse architecturale chartraine au XIe et XIIe siècle. Après 1194, 4 chapelles gothiques ont été ajoutées pour renforcer cette crypte et supporter la nouvelle cathédrale gothique. Dans le corridor sud, le baptistère est encore utilisé de nos jours. Un vitrail contemporain d’Udo Zembok est un véritable rideau de lumière à l’entrée de ce lieu.

Côté sud, galerie Saint Jean-Baptiste réaménagée en 2006. C’est l’espace baptismal . Au fond, le Mur de lumière de U. Zembok. (DR)

II/ La grande histoire de Chartres

Par le portail royal. Aujourd’hui comme hier, Chartres accueille ses visiteurs par son admirable portail Royal. Regardez bien ce portail sorti indemne de l’incendie de 1194 ; il a été construit entre 1145 et 1155. II vous montre les débuts d’un art nouveau et figure parmi les tout premiers exemples de la statuaire gothique. Voyez ces longues statues figées dans leurs colonnes. Reconnaissez-vous David, Salomon, Moïse, la reine de Saba et les autres, dont les noms ont été érodés par le temps ? Avec ses deux hautes tours, cette façade est peut-être la plus belle réussite de l’art religieux français.

Les deux tours de la cathédrale : “flèches unique au monde“.

« Jamais au Moyen Âge l’humanité ne s’était lancée si haut depuis les pyramides d’Égypte ». De la tour du Midi dite clocher Vieux (105 m), Viollet-le-Duc la considérait comme une “flèche irréprochable”. Cette construction octogonale et aux lignes parfaitement épurées a fait dire à Péguy qu’elle était une “flèche unique au monde“. De style flamboyant, la flèche actuelle de la tour dite clocher Neuf (115 m) a été reconstruite en pierre par Jean de Beauce entre 1507 et 1513. Elle est reconnaissable à ses gâbles et ses très légers arcs-boutants.

La plus ancienne cloche dont le timbre date de 1520

Ce clocher Neuf comprend 3 volumes qui se superposent : la base du carré au premier niveau, puis un octogone sur lequel s’appuie la flèche de pierre. Ce même octogone abrite le second beffroi et quatre coches de 1845. Posée en 1517, la flèche culmine à 115 m. Elle abrite la plus ancienne cloche dont le timbre date de 1520. Grâce au matériau utilisé, de la pierre fine provenant des vallées de la Seine et de l’Oise, elle possède cette décoration sculptée et exubérante.

Notre-Dame de Chartres, façade occidentale et le portail royal. De chaque côté, la tour du midi, dite clocher Vieux (1145-1165), célèbre pour sa flèche effilée de 105 m. La tour nord dite clocher Neuf (1134-1150) haute de 115 m. Photo © François Collombet

Portail royal, charnière de l’art roman et art gothique

Entre les deux tours, le portail royal est sans doute le plus célèbre du monde médiéval. Photo © François Collombet
Entre les deux tours, le portail royal est sans doute le plus célèbre du monde médiéval. Photo © François Collombet
Portal royal de Chartre. Les 3 tympans représentent 3 temps des mystères de la foi : Ascension, Christ en majesté au jugement dernier, l'Incarnation. Photo © François Collombet.
Portal royal de Chartre. Les 3 tympans représentent 3 temps des mystères de la foi : Ascension, Christ en majesté au jugement dernier, l’Incarnation. Photo © François Collombet.

Portail sud : l’histoire de l’Eglise

Portail sud cathédrale de Chartres sculpté entre 1205 et 1215. Photo © François Collombet
Portail sud cathédrale de Chartres sculpté entre 1205 et 1215. Photo © François Collombet

Portail nord appelé “portail de l’Alliance”

Ce portail nord est appelé “portail de l’Alliance”, l’Alliance de Dieu avec l’Humanité. A l’instar du portail sud, il se présente sous forme d’un porche percé de 3 portail avec passages latéraux pour y circuler à l’abri. Il est orné de statues datant de 1205 à 1210 illustrant l’Ancien Testament et la vie de la Vierge. Sur la baie centrale, les voussures évoquent les épisodes de la Genèse. La baie de droite reprend le thème des travaux et des jours.

Baie centrale du portail nord avec sur le trumeau, Anne portant dans ses bras la jeune Marie.
Au tympan, la mort, la dormition et le couronnement de la Vierge. Dans les ébrasements, dix personnages bibliques annonçant le Christ Sauveur. Photo © François Collombet
Portail nord et passage à l’abri entre les 3 baies. Photo © François Collombet
Le pavillon de l’horloge, surmonté par la tour nord (dit Neuf). Photo © François Collombet
Le pavillon de l’horloge, surmonté par la tour nord (dit Neuf). Photo © François Collombet

Nous voici maintenant à l’intérieur, dans le vaisseau, saisis par la splendeur architecturale de la nef baignée par les bleus et les rouges des vitraux. Comment ne pas ressentir l’extraordinaire élan d’enthousiasme qui poussa un jour des hommes à élever pareille magnificence ! Que ne sommes-nous ces pèlerins du Moyen Âge invités à emprunter le labyrinthe, ce long cheminement de 294 m partant du bas de la nef, pour découvrir les œuvres de Dieu ?

La nef de la cathédrale de Chartres regardant vers le chœur. Sans doute l’une des plus larges de France (16,40 m) et culminant à 37,50 m pour une profondeur de 130 m. Photo © François Collombet

Déesse gauloise et Vierge noire

Chartres a toujours été un site vénéré. La peuplade gau­loise des Carnutes honorait ici, sur cette même colline, la déesse de l’enfantement, préfiguration du culte de la Vierge, et venait boire à une source sacrée dont on peut encore voir le puits dans la crypte, devenu lieu de pèlerinage depuis que des chrétiens y furent jetés, au 1er siècle. Mais c’est le portrait de la Vierge noire, appelée Notre-Dame de Sous-Terre parce que située dans la crypte, qui fit de cette colline chartraine le premier lieu de pèlerinage marial de la Gaule. La statue, haute de 80 centimètres, taillée dans du bois de poirier, pourrait être une très ancienne copie de la déesse gauloise. Celle que l’on voit aujourd’hui n’est qu’une reproduction exécutée au XIXe siècle, l’original ayant disparu à la Révolution.

Image la plus fidèle de la Vierge de Notre-Dame de Sous-Terre

Dans la chapelle Saint-Piat qui accueille le Trésor, cette statuette de la Vierge à l’Enfant, l’image la plus fidèle de la Vierge de Notre-Dame de Sous-terre détruite en 1793. Photo © François Collombet
Notre-Dame de Belle-Verrière connue également sous l’appellation Vierge bleue. Vitrail emblématique de la cathédrale et du fameux bleu de Chartres. Il représente la Vierge portant l’enfant en majesté sur ses genoux. (DR)
Statue de Notre-Dame du pilier qui accueille les pèlerins venus du monde entier pour lui confier joies et souffrances afin de les remettre à son fils. Statue en bois de poirier avec rehaut de dorure datant des années 1500-1507. Photo © François Collombet
Cette statue Notre-Dame de Sous-Terre dans la crypte que l’on voit aujourd’hui. Elle date de 1976. C’est la copie fidèle d’une statue médiévale brûlée au Moyen Âge. Devant elle est née le légendaire de la “Vierge devant enfanter”. Photo © Véronique Hamel

Destructions et incendies

Au IVe siècle, Chartres est élevé au rang d’évêché. La première basilique, érigée sur les bases d’un temple gallo-romain, est brûlée au VIIIe siècle par le duc d’Aquitaine. Reconstruite, elle est la cible des raids vikings du IXe siècle. Il faut attendre l’évêque Gislebert pour qu’elle atteigne une certaine ampleur avec l’aménagement de la crypte soutenant le chevet du nouveau sanctuaire. En septembre 1020, tout brûle de nouveau.

Un évêque d’exception, Fulbert

Mais, cette fois-ci Chartres a une chance extraordinaire : elle a pour évêque Fulbert, personnage hors du commun, l’un des maîtres de l’illustre école de Chartres, la plus célèbre de France. C’est lui qui va assurer à la fois le financement et le recrutement des ouvriers et des maîtres d’œuvre. En huit ans, avec l’aide de son architecte Bérenger, il bâtira un majestueux édifice : une nef mesurant, sans le transept, 105 mètres de long sur 33 mètres de large, dimensions exceptionnelles pour l’époque. Plus tard, au milieu du XIIe siècle, alors que saint Bernard, de passage à Chartres, prêche la deuxième croisade dans une cathédrale en chantier, on verra s’élever le portail Royal et les deux grandes tours de la façade : au sud, le clocher Vieux, haut de 106 mètres, solide comme une forteresse, surmonté de sa flèche octogonale en pierre. De cette œuvre romane, certains ont pu dire qu’elle était « peut-être le morceau d’architecture le plus parfait du monde » ; au nord, le clocher Neuf, qui culmine à 115 mètres. Sa flèche, véritable dentelle de pierre, ne sera édifiée qu’au début du XVIe siècle par Jehan de Beauce.

Des scènes de consternation

Statue de l'évêque Fulbert (1997) qui trône face à la cathédrale. Photo © François Collombet.
Statue de l’évêque Fulbert (1997) qui trône face à la cathédrale. Photo © François Collombet.

Mais le destin s’acharne sur Chartres. Le 10 juin 1194, à peine achevée, la cathédrale est anéantie par l’un des pires incendies que la ville ait connus. Sa charpente en bois disparaît dans les flammes. Ne résistent que la crypte, les clochers et la façade ouest. Par bonheur, les tout premiers vitraux qu’elle supporte sous la rosace – Jessé endormi et surtout ce chef-d’œuvre de l’art primitif connu sous le nom de Notre-Dame-de-Ia-Belle-Verrière échappent à la destruction. Ce dernier sera réinséré dans un vitrail du XIIIe siècle. L’annonce de la catastrophe choque l’Europe entière. Partout se déroulent des scènes de consternation et de désolation. Mais il est une source de désespoir peut-être plus grande encore : la perte de la tunique en soie que portait la Vierge lors de la naissance du Christ, offerte à la cathédrale par Charles le Chauve en 876 et que l’évêque Gantelme* avait brandie au-dessus des remparts lors du siège de la ville par les Normands en 911, redonnant courage aux Chartrains. Alors, quand on la retrouve intacte dans la crypte, on se dit que l’incendie est d’origine divine : la Vierge désire que l’on construise une église plus belle encore. Des collectes s’organisent. Des confréries se forment et très vite les caisses de l’œuvre de Chartres sont pleines.

*La légende rapporte que l’évêque Gantelme déploya cette relique devant les armées de Rollon (911). A sa vue, les forces normandes s’enfuirent et le siège fut levé. Les nombreux miracles accomplis amenèrent une foule considérable de pèlerins

Une architecture de la légèreté

Entre 1194 et 1225, les dames, les chevaliers, les mondains s’attellent avec les bourgeois et les paysans aux charrettes de bois, de ciment et de pierre – de cette pierre de Berchères extraite à 10 kilomètres de Chartres, calcaire siliceux aussi dur que le marbre – pour les hisser sur la colline, rapporte un chroniqueur de l’époque. Un privilège et un honneur réservés à ceux qui ont confessé leurs péchés et pardonné à leurs ennemis … De partout, des villages entiers se mobilisent. II faut charrier des tonnes de blocs de calcaire, dégager les décombres, nourrir les bâtisseurs. Mais la foi qui transporte les montagnes autorise toutes les hardiesses. Quel est donc le maître d’œuvre qui le premier ose abandonner la tribune pour le triforium en contrebutant la poussée des voûtes par des arcs-boutants ? Qui a eu l’audace de monter les voûtes de la nef à près de 36 mètres, d’ouvrir dans les murs d’immenses fenêtres hautes (leur hauteur est presque la même que celle des grandes arcades) ? On ne le saura probablement jamais. Le génial architecte à qui les chanoines ont confié la direction des travaux demeure un inconnu, comme du reste celui de Bourges et bien d’autres de ce début du XIIIe siècle.

Pour le flux ininterrompu des pèlerins, un chœur profond entouré d’un déambulatoire s’ouvrant sur sept chapelles rayonnantes

Quoi qu’il en soit, en cinquante ans, la cathédrale est rebâtie. C’est celle que nous avons aujourd’hui sous les yeux. Comme il faut conserver la crypte et tout ce qui pouvait être réutilisé du splendide sanctuaire roman, l’agrandissement se fait par les bras du transept, et surtout par le haut. L’édifice doit également pouvoir accueillir le flot ininterrompu des pèlerins le plus près possible de l’autel. D’où ce chœur profond entouré d’un déambulatoire s’ouvrant sur sept chapelles rayonnantes. Quant à la nef, voûtée de pierre en berceau brisé, soutenue par des piliers alternativement ronds et octogonaux, elle est si large qu’elle ne sera jamais dépassée. Ici, on parle d’architecture de la légèreté, d’un art de logicien : un souci d’ordre et de rigueur né de l’étude d’Aristote est à l’origine de cette « vertigineuse unité » raisonnée comme une somme.

Le chœur modifié au XVIIIe siècle, de la cathédrale de Chartres. Photo © François Collombet
De l'autel, vue sur le chœur entouré d'un déambulatoire donnant sur 7 chapelle rayonnante. Photo © François Collombet
De l’autel, vue sur le chœur entouré d’un déambulatoire donnant sur 7 chapelle rayonnante. Photo © François Collombet

Le célèbre bleu chartrain

À Chartres, pour la toute première fois, des vitraux de couleur sont commandés dès le début des travaux. Ils doivent habiller les immenses fenêtres qui atteignent ici la hauteur des voûtes. Les fours des verriers sont à 50 kilomètres de là, en lisière de la grande forêt de Senonches. Mais c’est aux maîtres verriers installés au pied de la cathédrale que l’on doit le célèbre bleu chartrain, ce bleu de cobalt qui donne à la cathédrale une lumière si particulière.

170 verrières soit 2600 mètres2

Cent soixante-dix verrières en tout sont assemblées, soit 2 600 mètres carrés. Parmi les généreux donateurs souvent représentés tout en bas, on remarque Louis IX et sa mère Blanche de Castille, qui ont offert l’immense, la magnifique rose du transept nord représentant la Vierge tenant sur ses genoux un Jésus entouré d’anges, de colombes, de rois et de prophètes.

Ce vitrail Notre-Dame de la Belle Verrière exposé au soleil du sud est le plus célèbre de Chartres. Il a été réalisé dans le style roman en 1180 et a survécu à l’incendie de 1194. Il représente la Vierge portant l’enfant en majesté sur ses genoux. Photo © François Collombet

De la nef, vitraux de la façade occidentale

Situées dans la nef centrale sous la rosace du jugement dernier, ces 3 verrières sont les plus anciennes de la cathédrale (1194-1155), ayant échappées au grand incendie de 1194. Photo © François Collombet

Chapelle des apôtres et sa verrière du début du XIIIe siècle

Cette verrière fut offerte par la guilde des boulangers. Elle date du premier quart du XIIIe siècle. Elle est donc contemporaine de la cathédrale actuelle reconstruite après l’incendie de 1194.

Cathédrale de Chartres, chapelle des Apôtres. Cette chapelle axiale est consacrée à la mission des apôtres ; une originalité puisqu’elle aurait du être consacrée à la Vierge mais, en 1208, le pape lançait une croisade contre les Albigeois. N’est-ce pas une mission pour les apôtres ? Photo © François Collombet

L’incroyable vision d’une cathédrale en construction

D’une étonnante fidélité

Dominant la tour sud et la couverture médiévale de la nef anéantie par l’incendie de 1836, on découvre en particulier dans cette image l’unique représentation connue à ce jour de la flèche nord romane, disparue au début du XVIe siècle. Photo © François Collombet

En vingt ans, le gros œuvre est achevé et dès 1221 les chanoines de Chartres peuvent se réinstaller dans leurs stalles. Les tours – ces tours gothiques au profil élancé mis au point à Chartres et qui vont se répandre partout en Europe – sont reliées par le portail Royal et rattachés par un narthex à la nef.

Les 2 tours de la cathédrale de Chartres, 2 tours très différentes. La tour nord (de l’autre côté) dit Neuf a une base romane et surmontée d’une flèche flamboyante. A l’opposé, la tour sud est surmonté d’une flèche très simple. A son sommet, une lune et un soleil pour la flèche nord. Photo © François Collombet

Une immense population de statues

Mais ce qui frappe à Chartres, c’est l’immense population de statues, témoin de la nouvelle statuaire : pas moins de 4 000 figures sculptées ! Regardez les plus anciennes, ces statues-colonnes du portail Royal encore attenantes au pilier. Au tympan de ce portail trône un Christ en gloire entouré des symboles des quatre Evangélistes. En à peine un siècle, le sculpteur travaille la pierre différemment, donne naissance à des visages expressifs, des attitudes aisées de personnages vivants, des « statues acteurs » jouant la vie de Jésus ou les miracles des apôtres. Voyez les sculptures de l’Ancien Testament sur le porche du transept nord et leurs pendants du Nouveau Testament sur le porche sud, toutes sont sorties des ateliers chartrains du XIIIe siècle et sont les œuvres de sculpteurs inconnus.

Chartres Portail Nord : Ebrasement droit de la Porte centrale
Portail nord de la cathédrale de Chartres. Photo © François Collombet.

La cathédrale d’un seul sacre, celui d’Henri IV

Le 17 octobre 1260, Louis IX célébrait la dédicace de Chartres. Et, si elle ne fut le siège que d’un seul sacre de roi – le 27 février 1594 Henri de Navarre y devint Henri IV dans un chœur que Jehan de Beauce venait d’entourer d’une magnifique clôture composée de deux cents statues.

Ce tour du chœur (ou clôture du chœur) tel qu’a pu le voir Henri IV lors de son sacre fait presque une centaine de mètres de long et 6 m de haut. Son édification commencée en 1514 ne s’achèvera qu’en 1727. Les scènes comme le baptême du Christ ci-dessus raconte l’histoire de Jésus et Marie. Photo © François Collombet

Dernier incendie, le samedi 4 juin 1836

Au matin du 4 juin 1836, des plombiers occupés à réparer des avaries, allument un brasero qui provoque l’incendie détruisant dans la nuit, la totalité de la charpente. Le plomb fondu est craché par les gargouilles et par les œillards, il va ruisseler dans le chœur et dans toute la nef : “heureusement, les édiles firent arroser continuellement les boiseries, en particulier les stalles, ce qui les sauva d’une combustion assurée. Aucun objet ne semble avoir souffert”. Dès 1837, la charpente en bois appelée « la forêt » et la couverture en plomb de la cathédrale furent remplacées par une charpente métallique* et une couverture en cuivre à l’origine du vert-de-gris qui lui donne cette couleur verte caractéristique.

*une charpente métallique de 600 tonnes de fonte et de fer laminé, et une toiture constituée de 11 000 plaques de cuivre.

Incendie de la cathédrale de Chartres en 1836. Huile sur toile de François Pernot (1793-1865). Musée des Beaux-Arts de Chartres. Toile présentée chapelle Saint-Piat dans le cadre du nouvel aménagement du trésor de la cathédrale. Photo © François Collombet

Les tours de Chartres sauvées par un colonel de l’armée américaine

Entre le 15 et le 19 août, les allemands évacuent la ville. Des combats meurtriers ont lieu à travers les rues. Les forces américaines pensent que la cathédrale est encore aux mains de tireurs d’élite allemands (depuis les tours). Ordre est donné de bombarder l’édifice. Cependant, le colonel Welborn Barton Griffith Jr préfère aller le vérifier par lui-même. Arrivé sur place avec son chauffeur, il découvre plusieurs soldats faisant feu sans que les tirs ne soient rendus. Aussi décide-t-il de gravir la tour nord. Elle est vide. Il fait alors sonner les cloches et déploie le drapeau américain.

Le sauveur de la cathédrale tué le même jour

Le sauveur de la cathédrale sera tué le même jour à Lèves près de Chartres. Il est décoré à titre posthume de la Croix de Guerre avec palme, de la Légion d’Honneur et de l’ordre du mérite. Il sera aussi honoré par la Distinguished Service Cross décernée par le gouvernement américain. Aujourd’hui, une stèle rend hommage au colonel Griffith sur l’avenue de la Paix à Lèves, à l’endroit où il mourut sous les balles allemandes. Son corps fut protégé par des Lévois et sera enterré avec les honneurs militaires par le 20e corps. Il repose aujourd’hui au cimetière américain de Saint-James en Bretagne.

L’ange au cadran, protecteur de la cathédrale en 1944 ?

L’ange au cadran (XIIe siècle). A l’angle sud-ouest du clocher Vieux, cet ange porte un cadran solaire. Atteint de la maladie de la pierre, il fut déposé en 1968 remplacé par une copie en 1974. L’original se trouve dans la crypte. Photo © François Collombet

Chartres, cette cathédrale miraculeusement intacte !

Chartres a l’immense privilège d’être la seule de nos cathédrales qui nous soit parvenue quasiment intacte, telle qu’a pu la voir le roi au XIIIe siècle. « Ainsi nous naviguons vers votre cathédrale … », nous, pèlerins de Dieu en marche vers l’éternité.

La cathédrale de Chartres au fil des siècles fut source d’inspiration pour de nombreux artistes comme Soutine, Corot, Utrillo, ou encore Rodin. Photo © François Collombet