L’abbaye cistercienne de Flaran fondée en 1151 dans la vallée de la Baïse* est l’une des mieux préservées du sud-ouest de la France. C’est aussi le site le plus visité du département du Gers. Cette abbaye située à proximité de la Bastide de Valence sur Baïse dans le nord du Gers est un joyau de l’art cistercien en Gascogne. Elle présente la parfaite illustration d’un ensemble cistercien du XIIe siècle, remanié jusqu’au XVIIIe siècle avec son abbatiale et ses bâtiments conventuels (cloître, salle capitulaire, réfectoire, dortoir, logis abbatial et jardins). Flaran, ceint entre la Baïse et son canal, est une île dont la majeure partie est occupée par les bâtiments monastiques. A découvrir également l’exceptionnelle collection “Simonow” du philanthrope anglo-saxon, Michael Simonow, tombé amoureux de ce cadre prestigieux. En quarante ans, il a constitué une collection de chefs-d’oeuvre confiés à l’abbaye. Des peintures du XVIe au XXe siècle (Cézanne, Renoir, Matisse, Picasso, Monet, Braque, Tiepolo, Rubens, Courbet, Rodin …) qui se déploient aujourd’hui magnifiquement dans le dortoir des moines aménagé à cet effet.

*Possibilité d’atteindre Flaran par bateau en accostant en contrebas de l’abbaye. Sur la route qui mène de Condom à Auch, la vallée de la Baïse est navigable depuis Henri IV dans sa partie gersoise entre Condom et la bastide de Valence-sur-Baïse. Le cours emprunté par les gabares servait à transporter l’armagnac.

Les bâtiments monastiques et les jardins situés au cœur d'un parc, dans un environnement naturel préservé en bord de Baïse, présentent de ce fait une lisibilité particulière, parfaite illustration d'un ensemble cistercien du XII° siècle remanié jusqu'au XVIII° siècle (Photo FC)
Les bâtiments monastiques et les jardins situés au cœur d’un parc, dans un environnement naturel préservé en bord de Baïse, présentent de ce fait une lisibilité particulière, parfaite illustration d’un ensemble cistercien du XII° siècle remanié jusqu’au XVIII° siècle (Photo FC)
Aujourd’hui, la collection Simonow forte de plus de 300 chefs-d’œuvre, unique en son genre dans le Gers et remarquable à l’échelon national, bénéfice d’un écrin à la mesure de son intérêt historique et esthétique, le dortoir des moines (XVIIIe) qui a fait l’objet d’une importante rénovation (Photo FC)
Aujourd’hui, la collection Simonow forte de plus de 300 chefs-d’œuvre, unique en son genre dans le Gers et remarquable à l’échelon national, bénéfice d’un écrin à la mesure de son intérêt historique et esthétique, le dortoir des moines (XVIIIe) qui a fait l’objet d’une importante rénovation (Photo FC)

Abbaye de Flaran, étape majeure sur le chemin de Saint-Jacques de Compostelle

Des quatre itinéraires menant de France à Saint-Jacques de Compostelle, la via Podensis part du Puy. Elle traverse le massif d’Aubrac, s’arrête à Conques, Beaulieu, Moissac et passe par Flaran, autant d’abbayes, autant d’étapes dans ce sud-ouest qui voyait se regrouper tous ces « marcheurs de Dieu » en quête de pénitence et d’absolution. Ils portaient un long manteau, sorte de pèlerine, et un chapeau rond à large bord. Leur bâton de marche, le « bourdon ». Leur besace comme viatique ne contenaient trop souvent qu’un vieux quignon de pain et un morceau de fromage. Ayant fait vœu d’ascèse, ils marchaient seuls face aux dangers de la route … loups, brigands et autres détrousseurs (10 représentations de coquilles Saint-Jacques sont visibles à Flaran).

Abside et absidioles du chevet de l'église, principal témoin en Gascogne de cette architecture romane cistercienne. (Photo FC)
Abside et absidioles du chevet de l’église, principal témoin en Gascogne de cette architecture romane cistercienne. (Photo FC)

Les Cisterciens de Gascogne

Cette abbaye cistercienne, l’une des mieux conservées de France, a failli voir son cloître déporté et reconstruit quelque part aux États­-Unis. À la veille de la Première Guerre mondiale, en effet, un antiquaire parisien tenant boutique à New York s’en était porté acquéreur. II avait fait numéroter chacune de ses pierres afin qu’elles soient démontées et transportées outre-Atlantique. Mais ce scandaleux transfert ne se fit heureusement jamais. La société archéologique du Gers, aidée par les toutes nouvelles lois sur les monuments historiques, s’y opposa.

Cloître de l'abbaye de Flaran (Photo FC)
Cloître de l’abbaye de Flaran (Photo FC)
Le cloître primitif, de style roman tardif fut remplacé au début du XIVe siècle. Ne subsiste que la galerie ouest : de beaux chapiteaux gothique avec des décors végétaux, animaux et humains. A noter que les bases et les fûts des colonnettes sont des remplois romains. Les 3 autres galeries datent d'après les ravages protestants perpétrés par le comte Montgoméry en 1569 (Photo FC)
Le cloître primitif, de style roman tardif fut remplacé au début du XIVe siècle. Ne subsiste que la galerie ouest : de beaux chapiteaux gothiques avec des décors végétaux, animaux et humains. A noter que les bases et les fûts des colonnettes sont des remplois romains. Les 3 autres galeries datent d’après les ravages protestants perpétrés par le comte Montgomery en 1569 (Photo FC)
Le cloître est couvert d'une charpente comme c'était l'usage dans les cloîtres toulousains (Photo FC
Le cloître est couvert d’une charpente comme c’était l’usage dans les cloîtres toulousains (Photo FC)

Expiation et humilité

Notre-Dame de Flaran est l’archétype de l’établissement cistercien. Elle fut fondée en 1151 par des moines venus de I’Escaladieu, abbaye affiliée à Morimont, l’une des quatre premières filles de Cîteaux avec Clairvaux, Pontigny et La Ferté. Le terrain fut cédé par l’abbaye bénédictine de Condom. Isolé dans un fond de vallée, comme l’exige la règle, l’établissement occupe une île formée par la Baïse et le canal de dérivation que les moines ont creusé pour alimenter un moulin. Le monastère doit avant tout se suffire à lui-même avec ses terres, ses bois, ses ateliers, sa forge et son pressoir. Les moines, qui sont tenus de travailler, partagent une vie quotidienne faite de prière et de pauvreté, suivant en cela les préceptes de saint Bernard, qui avait réhabilité le travail manuel, en lequel il voyait une forme d’expiation et une école d’humilité.

Salle capitulaire fin du XIIe siècle. Supportée par 4 colonnes de marbre (remploi romain), ses 9 croisées d'ogives toriques apparentées à celles à celles de la sacristie et du colatéral nord de l'église, comtent parmi lrd premiers exemples de ce genre de voûtes dans le midi de la France (Photo FC)
Salle capitulaire fin du XIIe siècle. Elle est supportée par 4 colonnes de marbre (remploi romain). Ses 9 croisées d’ogives toriques (sorte de moulure saillante demi-cylindrique qui entoure la base d’une colonne) sont apparentées à celles de la sacristie et du collatéral nord de l’église. Elles comptent parmi les premiers exemples de ce genre de voûtes dans le midi de la France (Photo FC)
La salle capitulaire , voûtée d'ogives (Photo FC)
La salle capitulaire , voûtée d’ogives (Photo FC)

L’église, témoin de l’architecture romane cistercienne

L’église, construite probablement à partir de 1170 – et bien conservée -, est aujourd’hui un précieux témoin de l’architecture romane cistercienne. Elle compte trois travées et affiche une grande pureté de lignes et des pierres d’un belle couleur dorée. Notez l’abside en hémicycle, exceptionnelle dans l’architecture cistercienne. Du cloître, où l’on pénètre depuis l’église en empruntant une porte surmontée d’un chrisme, il ne reste plus en état qu’une seule galerie gothique, la galerie ouest.

Façade romane de l’abbatiale de Flaran. Bâtie en pierre de taille vers 1180, tournée à l'orient face au soleil levant, l'église Notre Dame de Flaran est remarquable par ses proportions, par la rigueur de son plan cistercien et par son état de conservation, malgré des dimensions modestes (40 m. de long par 19 m. de large). Elle demeure caractéristique de l'art roman méridional de la deuxième moitié du XII° siècle (Photo FC)
Façade romane de l’abbatiale de Flaran. Cette façade occidentale (XIIe – XIIIe siècles) est soulignée par deux contreforts. Le porche, sans tympan, qui repose sur les colonnes de piédroits, s’ouvre par une triple voussure. Deux ouvertures en plein cintre, surmontées d’une rose (“oculus”), laissent pénétrer la lumière du couchant, dans la nef. Bâtie en pierre de taille vers 1180, l’église Notre Dame de Flaran est remarquable par ses proportions, par la rigueur de son plan cistercien et par son état de conservation, malgré des dimensions modestes (40 m de long par 19 m de large). Elle demeure caractéristique de l’art roman méridional de la deuxième moitié du XIIe siècle (Photo FC)
La nef, d'un seul niveau, à trois travées, profite de l'éclairage indirect des collatéraux et possède une voûte en berceau brisé sur arcs doubleaux. Le collatéral nord, surbaissé, porte déjà une voûte d'ogive qui apparaît à la fin du XII° siècle et au début du XIII° siècle (Photo FC)
La nef, d’un seul niveau, à trois travées, profite de l’éclairage indirect des collatéraux et possède une voûte en berceau brisé sur arcs doubleaux. Le collatéral nord, surbaissé, porte déjà une voûte d’ogive qui apparaît à la fin du XIIe siècle et au début du XIII° siècle (Photo FC)

L’abbaye de Flaran, jamais plus de 16 moines

Peu après l’installation des moines sur le site, l’abbaye voit grossir son patrimoine grâce aux généreuses donations de seigneurs locaux. Elle possède plusieurs granges et perçoit la dîme. L’une de ses très proches dépendances, la ferme de la Madeleine, a été récemment restaurée avec sa porte fortifiée. Flaran a toujours été une petite communauté. En 1259, on n’y dénombre guère plus de seize frères. En 1274, l’abbaye conclut un accord de pariage avec le comte d’Armagnac pour fonder une bastide : l’abbaye assure le financement, le comte offre sa protection. La ville nouvelle qui voit le jour, tout en concédant une certaine liberté aux habitants, autorise les moines à percevoir un impôt et permet au comte d’affirmer son autorité. Sa richesse attire les convoitises et, pendant la guerre de Cent Ans, Flaran passe tour à tour sous dominations anglaise et française.

Cuisine de l'abbaye. L'aile nord du monastère était occupée par le réfectoire richement décoré de gypseries. Il n’en reste qu'une travée du XIVe siècle. Une porte communiquait avec la cuisine et le chauffoir (Photo FC)
Cuisine de l’abbaye. L’aile nord du monastère était occupée par le réfectoire richement décoré de gypseries. Il n’en reste qu’une travée du XIVe siècle. Une porte communiquait avec la cuisine et le chauffoir (Photo FC)
Le dortoir. Après les dommages causés par les troubles des guerres de Cent ans et de religion, le dortoir collectif fut divisé par des cloisons en 6 chambres séparées par un vaste vestibule. Chaque chambre est constituée d'une alcôve et de 2 pièces adjacentes pour la toilette et le rangement avec ces belles décorations du XVIIIe siècle (Photo FC)
Le dortoir. Après les dommages causés par les troubles des guerres de Cent ans et de religion, le dortoir collectif fut divisé par des cloisons en 6 chambres séparées par un vaste vestibule. Chaque chambre est constituée d’une alcôve et de 2 pièces adjacentes pour la toilette et le rangement avec ces belles décorations du XVIIIe siècle (Photo FC)

Les troupes de Montgomery

Durant l’été 1426, l’abbaye souffre du passage des routiers, bandes de soldats désœuvrés qui se comportent en pillards, mais qui seront dispersés par les fameuses compagnies d’ordonnance au XVe siècle. Au XVIe siècle, ruinée par la commende* qui la prive d’une grande partie de ses revenus, l’abbaye doit en outre faire face, en 1569, aux incursions successives des troupes protestantes de Montgomery. Ce célèbre capitaine de la garde écossaise a involontairement provoqué la mort d’Henri II en 1559, au cours d’un tournoi. II prend alors la tête des Huguenots, dévaste la Gascogne et tente en vain de secourir La Rochelle en 1574. Vaincu, il sera condamné à mort.

*Dans le régime de la commende, un abbé (ou un prieur) commendataire est un ecclésiastique, ou quelquefois un laïc, qui tient un monastère in commendam, c’est-à-dire qui en perçoit personnellement les revenus, et qui, s’il s’agit d’un ecclésiastique, peut aussi exercer une certaine juridiction sans toutefois exercer la moindre autorité sur la discipline intérieure des moines.

Faire revivre l’épopée cistercienne

Dans les ruines de l’abbaye, seuls quatre moines réussissent à survivre. La reconstruction est entreprise en 1573, sous l’abbatiat de Jean de Boyer. Après la période révolutionnaire, le logis abbatial, édifié en 1759, est habité pendant près de deux siècles par une même famille, les Laurens, qui transforment l’église et les bâtiments réguliers en dépendances agricoles. En 1971, le département du Gers rachète l’abbaye de Flaran après qu’un incendie criminel eut ravagé une partie des bâtiments du XVIIIe siècle. Le site est racheté par le département du Gers en 1970 qui y réalise, dès les années 1980, une intense campagne de restauration. Et depuis l’année 2000, l’abbaye de Flaran abrite la Conservation départementale du patrimoine et des musées qui y développe, tout au long de l’année, de nombreuses activités scientifiques et culturelles.

Cœur de la politique culturelle du Conseil Départemental du Gers, l'Abbaye de Flaran est donc le siège, depuis l'année 2000, d'expositions de référence qui font alterner les thématiques les plus diverses, de l’Antiquité à l’époque contemporaine (Photo FC)
Cœur de la politique culturelle du Conseil Départemental du Gers, l’Abbaye de Flaran est donc le siège, depuis l’année 2000, d’expositions de référence qui font alterner les thématiques les plus diverses, de l’Antiquité à l’époque contemporaine (Photo FC)
A l'abbaye de Flaran, la prestigieuse collection Michaël Simonow s'expose dans le dortoir des moines (Cézanne, Renoir, Matisse, Picasso, Monet, Braque, Tiepolo, Rubens, Courbet, Rodin...) Photo FC
A l’abbaye de Flaran, la prestigieuse collection Michaël Simonow s’expose dans le dortoir des moines (Photo FC)

L’une des plus prestigieuses collections d’art du monde, la collection Michael Simonow confiée à l’abbaye de Flaran.

Plus de 300 chefs-d’œuvre de l’art européen, de Rodin, Renoir, Cézanne, Dali, Monet… à des trésors rarissimes de la peinture anglaise (du XVIIIe à aujourd’hui), ont été déposée, par convention, par Michaël Simonow, à l’abbaye de Flaran. Ils s’exposent depuis 2009 dans le dortoir des moines (du XVIIIe siècle) après une très importante campagne de rénovation. Ainsi, les tableaux les mieux appréciés du public font-ils l’objet d’une présentation semi-permanente dans les cellules du dortoir, tandis que le couloir et le vestibule (sur plus de 400 m2), accueillent les expositions temporaires* liées à la collection. A noter que la collection fait désormais l’objet de demandes de prêt émanant de musées du monde entier : Hollande, Espagne, Italie, Suisse, Corée du Sud….

* Sur un rythme bisannuel, accompagnées d’un catalogue, celles-ci s’intéressent aux grands courants de l’Histoire des Arts : Portrait, paysages, animaux et chimères, natures mortes…etc.

Cette façade orientale sur jardins (remodelés, au XVIII° siècle, en jardins d'agrément), répond, avec son avant-corps de la même époque, à celle du logis abbatial : le long bâtiment du dortoir s'appuie, au sud, sur le chevet roman et ses absidioles (XIII° siècle) Photo FC
Cette façade orientale sur jardins (remodelés, au XVIIIe siècle, en jardins d’agrément), répond, avec son avant-corps de la même époque, à celle du logis abbatial : le long bâtiment du dortoir s’appuie, au sud, sur le chevet roman et ses absidioles (XIIIe siècle) Photo FC
La ferme de la Madeleine, l'une des granges d'exploitation du domaine agricole cistercien, est située à l'entrée du site ; elle s'adosse au mur d'enceinte (fin XIII° siècle) dont il ne subsiste que la porterie fortifiée, de plan carré, couronnée (en 1752) par un pigeonnier gascon (Photo FC)
La ferme de la Madeleine, l’une des granges d’exploitation du domaine agricole cistercien, est située à l’entrée du site ; elle s’adosse au mur d’enceinte (fin XIIIe siècle) dont il ne subsiste que la porterie fortifiée, de plan carré, couronnée (en 1752) par un pigeonnier gascon (Photo FC)
Abbaye de Flaran après la Révolution
Abbaye de Flaran après la Révolution